Eugène Burnand, le peintre des campagnes vaudoises
La popularité d’Eugène Burnand (1850-1921) et de son oeuvre reste très grande dans le Pays de Vaud.
Pierre Jeanneret. |. On trouve des reproductions de ses toiles dans d’innombrables fermes de ce canton. Sa vie est suffisamment connue. Rappelons seulement qu’il naquit près de Moudon, vécut à Schaffhouse, Zurich, Paris, Montpellier, Hauterive (NE), avant de revenir dans sa Broye natale, où il réalisa notamment ses grandes toiles devenues célèbres, comme La Fuite de Charles le Téméraire. Il peignit aussi de grands tableaux à sujets religieux, qui nous paraissent bien datés aujourd’hui. Burnand connut la notoriété de son vivant, en Suisse comme à Paris. Puis, cet artiste très traditionaliste fut un peu moqué, voire méprisé par les historiens de l’art. On a dit de lui que, dans ses toiles, il n’oubliait pas un poil du pelage de ses vaches… Mais on réhabilite depuis un certain nombre d’années une partie en tout cas de son oeuvre. Le Musée Burnand à Moudon présente à la fois sa collection permanente, et une exposition consacrée à la «Campagne d’autrefois». Dans la première, l’épique Charles le Téméraire déjà cité, ainsi que de grandes compositions en rapport avec la seconde. La noblesse du travail de la terre est bien rendue dans Le Faucheur. Signalons aussi Le Paysan suivi de ses boeufs, le célèbre Taureau dans les Alpes qui, selon René Burnand (fils du peintre) incarne les valeurs de «virilité, force et courage des montagnards suisses de la fin du XIXe siècle». Une autre toile nous montre deux vieillards assis sur le banc devant la ferme. Au premier plan, leurs vaches. Relevons un détail: alors que l’homme fume tranquillement sa pipe, la femme, elle, continue à travailler : elle épluche ses choux… Quant au Labour dans le Jorat (refait à l’identique suite à un incendie en 1915-1916), le même René Burnand en a dit ceci : « le labour est présenté comme un geste presque éternel, immuable dans un monde ravagé par la Première Guerre mondiale ». On le voit, Eugène Burnand nous montre des campagnes et des travaux agricoles idealisés, dans des paysages sereins, bénis par le Créateur. On pourrait dire de lui qu’il est un peu le Millet protestant… Malgré son conservatisme esthétique, il faut reconnaître ses qualités. Il fait preuve d’un métier époustouflant dans la représentation des animaux, saisis dans leurs mouvements. Par ailleurs, l’exposition temporaire nous présente de petites toiles, moins connues, plus intimes et pleines de charme. Les gardiens de moutons font songer à des scènes bibliques. Et, plus inattendus, ses troupeaux de chevaux en Camargue: on sent que, là, l’artiste se «laisse aller», fait vibrer sa palette, renonçant à la monumentalité et à une certaine grandiloquence. Notons que le même billet d’entrée permet de visiter le Musée Burnand et le Musée du Vieux Moudon, tout à côté, où les outils des «campagnes d’autrefois» sont présentés de manière vivante. Et pourquoi ne pas enchaîner avec une balade dans la Vieille Ville très bien conservée?
«Campagne d’autrefois», Musée Eugène Burnand, Moudon, jusqu’au 25 novembre