Endométriose
Entre coups de poignards et infertilité, la maladie mal comprise qui touche 10% des femmes

Chaque année, le mois de mars est consacré à la sensibilisation à l’endométriose, maladie chronique et hormonale qui rend la vie dure à plus de 190 millions de femmes dans le monde. Plongée dans cette maladie aux multiples facettes.

Myriam, 34 ans : « C’est comme des coups de poignards en continu. Comme si quelqu’un était en train de te poignarder et de te brosser la plaie dans le bas ventre. Ça me coupait le souffle et je ne pouvais qu’attendre que ça passe, pliée en deux. » Vanessa, 23 ans : « C’est comme si on recevait des coups au niveau de l’utérus. C’est une douleur qui irradie au niveau des jambes, et pendant les crises, j’ai de la peine à marcher. »
Demandez à une patiente atteinte d’endométriose de vous décrire ses premières règles, et toutes ses règles après ça, vous obtiendrez des réponses tristement similaires, avec des mots parfois très crus. Crampes, douleurs digestives, rapports sexuels pénibles voire infertilité, les symptômes peuvent certes varier d’une femme à l’autre mais certains signes ne trompent pas. « L’endométriose, c’est une maladie chronique, bénigne, qui dépend des hormones », explique Nicolas Vuillemoz, directeur médical du centre de procréation médicalement assistée au Flon, à Lausanne. « Cela correspond à la présence de tissus comme celui qu’on trouve dans l’utérus au niveau de la cavité pelvienne. » Des petits fragments d’endomètre, ce tissu qui se trouve dans la cavité de l’utérus et qui disparaît chaque mois au moment des règles, viennent se déposer sur différents organes dans le corps. Le plus souvent, on les retrouve sur les organes reproductifs et digestifs, mais des lésions ont déjà été retrouvées chez certaines femmes sur les poumons, les épaules, les gencives et le nez, même si ces cas sont plus rares. Cela engendre des lésions, des kystes ou des adhésions qui s’enflamment régulièrement et provoquent des symptômes à la limite du supportable. A ce jour, aucun traitement n’existe pour guérir de cette maladie.

Chemin de croix
Aujourd’hui, il faut en moyenne 10 ans, dès l’apparition des premiers symptômes, pour qu’un diagnostic soit posé. Deux raisons expliquent ce chiffre. D’abord, le diagnostic est difficile à poser. Echographies et IRM sont utilisées pour détecter les lésions qui restent souvent trop petites pour ces outils. La meilleure méthode pour avoir une garantie est alors d’ouvrir : la laparoscopie, une opération exécutée à l’aide de deux embouts insérés dans le ventre, a longtemps été une solution de choix pour repérer et enlever les lésions. Aujourd’hui, cela change, lentement. « Cependant la chirurgie était le moyen presque exclusif de faire un diagnostic. Maintenant, on peut mieux utiliser des outils comme les IRM pelviennes et l’échographie », se réjouit Nicolas Vuillemoz. Un test salivaire récemment mis sur le marché a permis à Vanessa d’être diagnostiquée, non sans avoir dû demander plusieurs avis médicaux. « Au début, on minimisait beaucoup mes symptômes, on me disait que c’était normal d’avoir des règles douloureuses. J’ai dû changer trois ou quatre fois de gynécologue. » Sans le conseil d’une amie, déjà diagnostiquée, elle n’aurait pas insisté auprès des professionnels.
Car il est là le deuxième obstacle : la méconnaissance de la maladie auprès du corps médical. « C’est une maladie qui n’est pas étudiée », déplore Vanessa. « On a pas encore de solution qui fonctionne. Beaucoup de gynécologues font l’impasse là-dessus. » « On se rend bien compte que tant que ça ne touche pas à des problèmes de fertilité, ça n’intéresse pas les chercheurs », ajoute Myriam.
Pour elle, le chemin vers le diagnostic a été plus long, à une époque où certaines questions étaient encore taboues. « J’ai eu mes premières règles à 14 ans. Elles ont été affreusement douloureuses, et surtout hémorragiques. Mais pour moi c’était normal. On ne parlait pas de l’endométriose, ni des règles d’ailleurs ! C’est une amie qui m’a vue une fois pliée en deux, roulée en boule sur le lit, et elle m’a dit que ce n’était pas normal. J’en ai parlé à ma gynéco, qui n’a pas réussi à répondre à mes questions. Un jour, elle m’a presque « lancé » l’information que j’avais des ovaires polykystiques, mais qu’on en reparlerait quand je voudrai tomber enceinte. Moi je voulais savoir tout de suite ! » Sans autre soutien médical, la situation de Myriam empire. « A cette période, j’ai commencé à aller tous les six mois aux urgences gynécologiques, souvent au milieu de la nuit, pour des douleurs extrêmes. J’ai réalisé que ce n’était pas viable. J’ai changé de gynécologue et nous avons enfin fait une IRM, pour laquelle j’avais dû insister, et là, j’ai commencé à prendre la Visanne. » Depuis, Myriam a dû subir une laparoscopie pour préciser la forme d’endométriose dont elle souffrait. Deux lésions d’endométriose sont trouvées. Elle continue son traitement hormonal.
Aujourd’hui, la pilule Visanne est le seul médicament à être homologué contre les symptômes de l’endométriose. Pas officiellement reconnue comme une pilule contraceptive, elle est donc remboursée par l’assurance maladie. La pilule est aussi ce qui aide Vanessa à gérer un minimum ses symptômes. « Ce n’était pas ma solution première. Il y a beaucoup d’effets secondaires, sur mon humeur ou sur ma fatigue. Mais malheureusement aujourd’hui c’est le seul traitement qui peut éviter que les symptômes évoluent. »
Pas de cure, mais des « trucs et astuces » permettent aujourd’hui de réduire les douleurs. Un changement d’alimentation est souvent préconisé, ainsi que des suivis thérapeutiques alternatifs comme l’ostéopathie, l’acupuncture. Le CBD est également utilisé pour soigner les symptômes chroniques.
Mais il y a un symptôme de l’endométriose qui est autrement plus difficile à empoigner : la fertilité.
Si, actuellement, ni Myriam ni Vanessa ne sont concernées par des désirs d’enfants, 30 à 40 % des cas d’infertilité sont dus à l’endométriose. Des méthodes de procréation médicalement assistée comme la fécondation in vitro sont alors proposées aux patientes qui désirent avoir des enfants. La plupart du temps, c’est là que le CPMA, et Nicolas Vuillemoz, entrent en jeu. « Nous sommes un centre de fertilité, et donc nous sommes confrontés à des cas parfois complexes, associés à des problèmes de fertilité. Mais pas seulement. Même sans désir d’enfant, nous voulons réduire les symptômes des femmes atteintes d’endométriose. Car il faut une stratégie thérapeutique même avant que le désir d’enfant ne vienne sur la table. »
Jaune comme l’espoir
Cela fait plusieurs années que l’endométriose est, chaque mois de mars, sous le feu des projecteurs. De nombreuses associations ont vu le jour, et toutes se rallient autour de goodies et visuels jaunes pétants pour attirer l’attention sur ce mal. Elles organisent conférences, ateliers et sont en contact avec des politiciens pour les sensibiliser à la cause. C’est le cas de S-Endo, fondée en 2016, très active en Suisse romande.
Les avancées scientifiques ont également fait quelques progrès, mais pas assez, pour le Dr Vuillemoz. « Nous n’avons pas vu de grosses avancées en termes de traitements ces dernières années.
On espère que la recherche puisse nous apporter des solutions plus spécifiques. Il y a toujours des progrès à faire, mais notre priorité, c’est surtout de raccourcir le délai entre l’apparition des symptômes et une prise en charge qui permet de diminuer les douleurs sur le long terme. Cela dit, les choses bougent, j’ai de l’espoir pour mes futures patientes. » Pour lui, il y a un message que toute jeune femme doit garder en tête. « Toute douleur qui a un impact sur la qualité de vie nécessite de consulter son gynécologue pour avoir un diagnostic et une bonne prise en charge. Alors consultez ! »
Endomarche 2025
Le 29 mars prochain, une marche et des activités sont prévues tout l’après-midi. Départ de la marche à 15h de l’esplanade du Flon.