Des milliards de fourmis, des millions de centimes, quel remue-ménage(s)
Hervé Detomasi | Nous subissons dans notre maison, depuis plusieurs années, une invasion de fourmis. C’est, selon les conditions climatiques, au mois d’avril et/ou en mai, que l’invasion commence à se manifester. Des milliers (pardon des milliards) de fourmis pénètrent dans la maison par les interstices des fondations. Nous avons droit à une colonie qui nous présente chaque année tous les stades des phases biologiques. Des fourmis de différentes grosseurs, des œufs, voir même des fourmis adultes ailées (il s’agit d’une autre espèce). A un certains stade de l’invasion, nous nous en débarrassons avec un insecticide (un simple insecticide de chez «Landi»). Nous aussi, nous utilisons la ramassoire pour les évacuer. La colonie est détruite. L’orage est passé, la paix revient… Alors franchement, entre une invasion de fourmis, une invasion de fonctionnaires aux conseils aléatoires et une invasion de journalistes prestigieux, je choisis les fourmis : au moins une fois par année, je m’en débarrasse.
Des choix précipités
Les fourmis (l’étude nous le dira, de quelle(s) espèce(s) il s’agit), sont présentes dans le quartier depuis de nombreuses années. Les fourmis n’ont pas attendu le chantier des «Fortunades» pour se disséminer. Dans le cas du chantier qui nous intéresse, des directives communales ont été appliquées, la terre n’a pas été disséminée. Tout est sous contrôle… C’est extraordinaire, bravo! Les tas ont été poussés en bordure de la parcelle, près des parcelles voisines, bonjour les dégâts pour les voisins. De plus, nous avons été interloqués au sujet des connaissances arbitraires qui ont permis de séparer les couches de terre. Pour le biologiste présent, la terre est profonde sur un mètre. Une partie de ce mètre de terre est stockée sur place pour «éviter» la contamination d’autres sites, pour le reste tout est sous contrôle dans des décharges… A notre modeste connaissance, les vignobles de renommée présentent des sols très profonds. La vigne développe un puissant chevelu racinien. Les racines explorent non seulement les premiers mètres du sol, mais également, lorsque les conditions les y obligent et le permettent, le sous-sol, allant parfois même jusqu’à pénétrer la roche-mère. C’est à plus de quinze mètres de profondeur que nous avons observé des racines de vigne. Le vignoble de Lavaux n’échappe pas à cette règle. Alors, à propos du «tout est sous contrôle», j’ai de sérieux doutes. La dissémination est en marche. N’est-ce pas le propre des fourmis dites invasives? De plus, en 2016 des chantiers ont été réalisés dans ce même quartier. Qui va se charger de récupérer les invasives?
Mission impossible
Les poids lourds vont débarquer. Prenons par exemple, Agroscope cet «institut» de recherches en agronomie. Il devrait intervenir pour nous «éduquer» sur l’impact des fourmis (dont on ne connaît probablement pas encore l’espèce ou les espèces et encore moins le ou les cycles biologiques). On suppute que des pucerons pourraient être élevés par les fourmis invasives qui pourraient migrer sur la vigne. Cela fait vraiment, mais alors vraiment beaucoup de conditionnels. J’aimerai juste rappeler que c’est Agroscope qui a pour mission d’accréditer les permis d’utilisation des pesticides sur les plantes en Suisse. Pour rappel, par hasard, le feu vert d’Agroscope permettant l’application du Moon de la maison Bayer (dont les dégâts sont encore visibles sur la vigne en 2017). Alors, avant que cette institution débarque avec toutes ses «connaissances» et surtout les interdits qui suivront, elle devrait se remettre en question: elle a gravement failli.
Une règle de trois inversement proportionnelle
Pour développer ces projets, les protagonistes ont besoin d’argent. Pour obtenir des fonds, ils doivent être crédibles. Comme on connaît mal le sujet, on fait appel à de «prestigieuses» Hautes Ecoles d’Ingénieurs (HEPIA), à l’Université de Lausanne, à Agroscope. En fait, cet appel est un aveu de déficiences. Plus le panel d’instituts est nombreux, moins on a de connaissances sur la matière à étudier. Seulement voilà, toutes ces facultés qui se gaussent de leurs titres, ça fait sérieux. Toutefois, pour que la mayonnaise prenne, il faut faire appel à la cavalerie: les journalistes. Alors là, les œufs sont battus, la magie de la mayonnaise a pris, le «pognon» va tomber. Non, mais franchement, soyons sérieux, on multiple les projets, pour obtenir encore plus de fonds. Lors d’une prochaine réunion villageoise, ne soyez pas surpris d’une nouvelle demande pour l’obtention d’un crédit afin «d’étudier la migration de l’ours polaire et ses incroyables facultés d’adaptation de survie en consommant le miellat sécrété par les colonies de pucerons élevés par les fourmis invasives de Lavaux».
Le sucre, les protéines et la reine mère
Au cours de la réunion, on nous explique que pour se développer les fourmis ont besoin de sucre. De plus, pour développer la colonie, elles ont besoin de protéines, afin que la reine mère multiplie les ouvrières. On est en droit de se demander quelle «reine mère» a donné du sucre aux journalistes pour occuper la «Une» du journal 24Heures ou encore mieux, qui a fourni les protéines pour faire appel au «chevalier blanc» Darius Rochebin? Dans les amusantes bandes dessinées d’Astérix le gaulois, les habitants du village sont affublés d’un surnom. A «Cullyx» qui est «Fourmifix»? Etait-il nécessaire d’organiser un tel tapage médiatique?
Qui sont les envahisseurs
En l’espace de quelques jours, de nombreux sites internet ont repris la nouvelle. Des réseaux autant journalistiques que des associations d’environnement, des associations animalières, mais aussi des partis politiques et des instances scientifiques ont propagé la «nouvelle» à la vitesse de la lumière. La «nouvelle» a fait le tour du monde. A ce stade, je m’interroge «qui sont les envahisseurs: les protagonistes de ces projets ou les fourmis»? Depuis des années, de nombreuses personnes travaillent dans l’ombre pour aménager pierre après pierre un édifice aux mille reflets incommensurables, aux empreintes ineffables: Lavaux. Quelles images néfastes ces démarches tonitruantes et surtout non vérifiées dans leur ampleur, auront-elles sur la promotion de cette région? C’est incroyable, comme en quelques coups de tête irréfléchis, on peut détruire une cathédrale!
Solum – Bureau d’études