Découverte – Les trains du vignoble
Sur les coteaux escarpés en Lavaux, circulent deux associations de petits trains touristiques : le Lavaux Panoramic et le Lavaux Express. Ces véhicules offrent une façon originale de découvrir les paysages viticoles, avec une touche de convivialité et une vue imprenable sur le Léman.

Le Lavaux Express opère principalement dans la partie ouest du vignoble, avec des itinéraires au départ de Lutry et de Cully, traversant des villages comme Aran et Grandvaux. Au départ de Chexbres, Vevey, Chardonne, Corseaux et Corsier on retrouve le Lavaux Panoramic qui, d’avril à mi-novembre, propose le même type de prestations entre le Dézaley et Vevey. C’est ce dernier qui chapeaute la gestion de cette journée du 23 mai. Lancé en 2009, il propose des circuits sur mesure et des courses régulières pour les visiteurs. « On se suit parfois avec le Lavaux Express, mais nous n’avons pas les mêmes tracés », raconte Daniel Ecuyer. « Heureusement que nous ne faisons que de nous suivre et non de nous croiser, car cela serait impossible sur les chemins vicinaux », rigole le chauffeur d’un des trois trains que compte l’association Lavaux Panoramic. Cette dernière fonctionne grâce à un staff d’une quinzaine de personnes dont 8 chauffeurs. En 2024, 14’500 passagers ont été transportés, ce qui constitue environ 700 courses. Si un tiers des trajets sont destinés aux touristes étrangers, les deux tiers restants concernent des événements privés, comme des mariages, des anniversaires, des sociétés ou des sorties d’entreprise.
Un avenir neutre en CO2 ?
Le parc du Lavaux Panoramic compte actuellement trois trains, chacun composé d’une locomotive et de deux wagons. « Le relief du vignoble ne permet pas d’avoir un véhicule plus long, car les chemins sont étroits et les pentes trop importantes », explique Arsène Signorell, trésorier de l’association. En 2019, un deuxième train a été acquis, suivi d’un troisième en 2022. Face à cette croissance, l’association réfléchit à la décarbonisation de son parc : « Nous envisageons de remplacer notre plus vieille locomotive à moteur diesel par un modèle électrique », confie Arsène. Si le projet est vu d’un bon œil par les sponsors de l’association et les communes qui la soutiennent, il n’en reste pas moins coûteux : « 400’000 francs sont nécessaires pour financer ce nouvel équipement, soit la locomotive et 2 wagons », détaille le trésorier, ajoutant que cet objectif ne serait pas réaliste sans le soutien du Canton, des communes et de diverses institutions.
Durant la pandémie, les Suisses ont redécouvert leur région, mais en temps normal, ce sont surtout les touristes, beaucoup venant d’Asie, qui apprécient cette balade viticole. Les habitants ne sont pas oubliés : en été, le Lavaux Panoramic propose des « trains de la ferme », combinant découverte du vignoble avec brunch et visite à la ferme, ainsi que des « trains afterwork » les jeudis, prisés des entreprises locales. Les itinéraires évoluent chaque année, en collaboration avec les communes partenaires comme Chexbres, Puidoux, Saint-Saphorin, Rivaz, Chardonne, Corsier, Corseaux et Vevey. Quant aux chauffeurs, ils ne sont pas salariés, mais défrayés pour leurs services. « C’est un fonctionnement proche du bénévolat », précise Daniel Ecuyer. Chaque année, des départs et des arrivées se font parmi les chauffeurs, preuve que cette aventure continue d’attirer des passionnés comme Daniel. « L’avantage de ces trains, c’est qu’ils offrent une manière unique de découvrir Lavaux, par des chemins habituellement interdits à la circulation. »
Au volant avec Daniel Ecuyer, conducteur au Lavaux Panoramic

Daniel Ecuyer, ou Dani pour les intimes, est un homme de Lavaux, et ça se sent. Né à Grandvaux en 1958, il habite Chexbres depuis plus de 40 ans. Retraité après une carrière de peintre en bâtiment, il est aujourd’hui chauffeur du Lavaux Panoramic et entame sa quatrième saison avec toujours autant d’enthousiasme : « J’ai toujours vu ces petits trains circuler en travaillant dans la région. Un jour, on m’a proposé de devenir chauffeur… C’était comme un rêve ! » raconte-t-il. Pour obtenir son poste, il a dû suivre une formation interne et passer un examen avec le Service des automobiles et de la navigation. « C’est du sérieux, mais aussi un amusement », ajoute-t-il avec un sourire.
Une journée type en train ?
Dani commence tôt. « Je me lève de bonne humeur, j’enfourche mon vélo et je file au dépôt une heure à l’avance. Il faut s’assurer que tout est propre et en ordre pour accueillir les passagers », explique-t-il. Les rencontres marquantes ne manquent pas. Il se souvient d’un jour où un groupe de touristes a failli monter dans un train CFF par erreur. « Ils étaient à la gare de Chexbres et, dès qu’ils ont vu un train arriver, ils ont couru dedans ! Heureusement, leur guide était là pour les arrêter. Ce n’était pas le bon train ! » rit-il.
Si la lenteur des trains – 30 km/h maximum – peut surprendre, elle demande une certaine adaptation. « Quand j’apprenais à conduire, je travaillais encore comme peintre. Je passais des journées à toute vitesse, puis je devais ralentir au volant du train. Ce n’était pas évident au début ! »
Son plus grand défi ?
« Ma plus grande peur, c’est de me retrouver coincé dans un chemin sans issue en raison de travaux. Dans ce cas, il faut décrocher les wagons et les manœuvrer un par un pour ressortir… une vraie galère » Pour éviter cela, Dani effectue des repérages à vélo avant chaque course privée, afin d’être sûr que le tracé est praticable.
Passionné, Dani consacre 20 % de son temps annuel à cette activité et a parcouru plus de 150 courses l’an dernier, avec une journée record de 70 km ! Son téléphone en dit long sur son attachement aux petits trains : son fond d’écran le montre fièrement devant un des trains du Lavaux Panoramic. « Être chauffeur, c’est du plaisir avant tout ! Ça me permet de garder la forme, de partager ma région et de rencontrer des gens du monde entier », conclut-il. Une passion qui, visiblement, roule à plein régime.