Davel reviens, ils ont perdu la tête !
Quand je pense qu’ils ont livré Davel aux Bernois, mon amour-propre de Vaudois en prend un sale coup. Aujourd’hui encore, comment interpréter cette «trahison» autrement que par une marque d’allégeance des notables lausannois à l’autorité! Il n’y a qu’à se référer aux paroles de notre hymne cantonal… Près de trois cents ans plus tard, la mentalité n’a pas vraiment changé. Elle touche même le bon peuple désormais, notamment celui des vignerons qui plient l’échine trop facilement devant les diktats de l’administration et de la Berne fédérale. Ça ronchonne un peu et puis ça passe. Quotas imposés, contrôles renforcés, taxes multipliées, paperasse, réglementation, délais à respecter. Il n’y a que des contraintes: se soumettre, subir et tout avaler sans recours possible. Comment ce noble métier, qui rendait fier celui qui travaillait la terre amoureusement, est-il devenu une activité de bureaucrate? Comment s’accommoder de cette évolution qui met en péril tout un pan de l’économie vaudoise en hypothéquant son avenir? Augmentation des frais d’exploitation et des contraintes, baisse de la rentabilité et du prix du m2 de vigne. Comment intéresser les jeunes à reprendre le domaine familial quand la profession est également plombée de plus en plus par les problèmes de murs à reconstruire? La faute au coût de la main d’œuvre qui a explosé. La faute surtout à ceux qui ne veulent pas voir le mal là où il est. La loi dit que le vigneron est responsable mais quand le problème se situe au-dessus de sa parcelle et que la terre pousse parce qu’en forte pente et que le drainage est déficient en amont, il doit se battre jusqu’à épuisement pour faire reconnaître son bon droit face aux experts de l’Etat et des communes. Un combat désespéré, comme celui de Raymond Chappuis au Dézaley. Deux affaires inextricables qui lui coûtent une énergie incroyable alors qu’il est la victime des événements. Budget de remise en état : 250’000 francs dans le premier cas, que ni Testuz SA, en faillite, ni Obrist SA, nouveau propriétaire, ne veulent assumer; 421’000 selon devis dans le second. Trop, pour les services de l’Etat qui préfèrent voir une friche plutôt que d’aider à régler le litige. Un comble. Trois saisons de galère à frapper à toutes les portes. En vain. De quoi piquer une crise et de vouer aux gémonies ceux qui ne parlent que de la loi, de l’Unesco et des bienfaits de l’œnotourisme. Le vigneron, lui, est seul avec les malheurs qui l’accablent. Aucune solidarité, rien. Encore heureux qu’on ne le traite pas d’agitateur et de trublion. Comme Davel en son temps. Quand la justice n’est pas juste, l’injustice est exacte! (Pierre Dac).
Bertrand Duboux, Propriétaire vigneron – Riex