Courrier des lecteurs
Une manifestation interdite
Réponse à l’édito du 16 octobre
Marc Leemann | Oui, la manifestation contre le génocide perpétré en Palestine par l’Etat d’Israël du samedi 11 octobre, à Berne, a dégénéré. Depuis le début même, car elle n’aurait jamais dû avoir lieu, selon les autorités. Depuis le 7 octobre 2023, les gouvernements municipaux et cantonaux, secondés de leurs forces de police, ont interdit plus d’une manifestation en défense du peuple palestinien. Déjà en mai de cette année, la ville de Berne avait, comme depuis le début du conflit, interdit de défiler dans les rues de la capitale.
Plus tôt, en novembre 2023, la police fribourgeoise avait interdit un cortège pour la Palestine, au motif que cela « dérangerait trop avec le Black Friday ». La même Municipalité a récemment perdu en justice face aux organisateurs de manifestations, le tribunal cantonal l’ayant désavouée cet été. La coalition pour le droit de manifester, qui réclamait de ne plus recevoir des factures d’honoraires de police de plusieurs milliers de francs, a obtenu gain de cause au motif du droit de manifester, un droit constitutionnel.
Un droit constitutionnel dont tout le monde semble oublier l’existence. Canon à eau, barrières mobiles, spray au poivre, balles en caoutchouc… Tous les moyens sont bons pour empêcher de prendre la rue, de faire entendre sa voix. Notre gouvernement, tout démocratique qu’il se pense, semble ne pas trop apprécier la critique. Quitte à utiliser du gaz lacrymogène, une arme chimique interdite par les conventions de Genève, mais incompréhensiblement autorisée lorsqu’un Etat l’utilise contre sa propre population.
C’est en réponse à cette répression qu’apparaissent les black blocks. Si l’on peut déplorer leur présence et les dégâts à la propriété que leurs affrontements avec la police ont amené, on ne peut pas oublier que, samedi dernier, c’est aussi grâce à ces manifestants un peu plus chahutantes que le peuple a pu exercer son droit de manifester, malgré l’interdiction des autorités. Ils ont payé par leurs blessures le prix des droits fondamentaux des participants à l’autre partie de la manifestation, rassembleuse, pacifique et familiale. Une partie que le discours public a préféré ignorer, de peur de devoir se confronter à la critique du soutien de la Confédération aux agissements de l’Etat d’Israël.
Sa Majesté intouchable la Technologie
Nicolaï Lo Russo | La Police de Lavaux a une confiance sans bornes dans le fonctionnement des parcomètres qu’elle gère. Même quand ceux-ci montrent d’évidents signes de fatigue (façade abîmée, peinture et pictogrammes écaillés par le soleil et l’usure), voire que des pannes plus profondes mettent les appareils « hors service », tels que certains l’affichent (mal).
Août dernier, j’ai garé ma voiture à Chexbres pour une courte session piscine. J’ai glissé trois pièces d’un franc, comme il se doit si l’on n’a pas d’autre moyen de paiement, mais le « OK » de l’enregistrement n’a pas fonctionné, aucun ticket n’a été délivré. Comme la borne est vétuste, qu’il y a un appareil « hors service » juste à côté (voir photos, prises par moi le jour même), je ne me suis guère étonné de ce dysfonctionnement. Un manque de papier, sans doute : j’ai mis trois pièces (qui ne me sont pas revenues), je fais confiance, je suis dans les clous, et de toute façon j’ai des preuves photo.
A mon retour un peu plus tard, une amende de 40 francs ricane sur le pare-brise. Pour « parcomètre non enclenché ». Et voilà.
Début d’un échange assez long (plusieurs jours de ping-pong) avec le service en ligne de « contestation » des infractions. J’explique poliment, je détaille, joins les photos, on me répond, je demande comment trois pièces peuvent disparaître d’une caisse sans que celle-ci n’enregistre un trop perçu, etc. Après quelques croisements de fers par mail, on me signifie qu’il est impossible que j’aie payé, voilà tout. Car la transaction serait forcément – et dans tous les cas – « visible sur des serveurs distants » : la technologie enregistre tout, voyez-vous, absolument tout, aucune défaillance possible.
Pas convaincu par ce catéchisme technolâtre, mais conciliant, je propose de minorer l’amende au bénéfice du doute (puisque je sais avoir payé, mais que des pannes réseau peuvent survenir) ; et c’est un NON définitif : il faut payer 40 francs immédiatement. C’est la Loi et c’est comme ça. Et la Loi semble n’écouter que la technologie, toujours parfaite, bien plus parfaite et sans failles que l’humain. A l’heure du tout numérique, des dispositifs de surveillance, des IA et j’en passe, ça promet…
J’espère juste que mes (quarante)-trois francs – car j’ai payé l’amende – contribueront à la remise en état de ces tristes machines.


