Coup de tonnerre à la 69e Berlinale
«Grâce à Dieu»
Colette Ramsauer | Poignant, le dernier film de François Ozon qui remporte cette année l’Ours d’argent de la Berlinale! Il s’empare d’un fait d’actualité : à Lyon, les dénonciations à l’encontre d’un prêtre pédophile. Un lapsus du cardinal Barbarin sert de titre au film.
La Parole libérée
Le lapsus du prélat lors d’une conférence de presse l’an dernier à Lyon reflète la faiblesse de l’Eglise catholique face aux témoignages des victimes du père Preynat, qui dans les années nonante abusait sexuellement de jeunes scouts dont il avait la garde. Aujourd’hui des dizaines d’adultes, bénéficiant de la prescription trente années après les faits, ont porté plainte ou ont déposé leur témoignage sur le site internet La Parole libérée.
Confiance des familles
C’est en découvrant le site La Parole libérée que François Ozon trouvait un sujet qui correspondait à ce qu’il cherchait : un thème qui ferait valoir à l’écran un groupe d’acteurs masculins comme il l’avait fait valoir au féminin en 2002 avec Huit Femmes. « Grâce à Dieu » fait revivre la douleur de trois victimes du père Preynat et de leur famille. Le réalisateur à Berlin le 8 février dernier : « Afin de préserver leur intimité, tout n’a pas été révélé. La plupart des familles se sont ouvertes au
dialogue. Elles étaient contentes que la fiction parfois prenne le relais. Il fallait, sans trahir la cause des victimes, trouver un processus d’écriture de scénario qui convienne et le bon rythme d’intervention des protagonistes».
Trois acteurs, trois profils
A Berlin, les acteurs de « Grâce à Dieu » ont répondu aux journalistes leur demandant ce qui les avait incités à suivre l’appel du réalisateur. Mevil Poupaud (Alexandre) : « J’ai trouvé si juste la démarche du cinéaste pour un sujet délicat » ; Denis Ménochet (nommé au César 2019 pour Jusqu’à la garde) dans le rôle de François : « Sa demande répondait à mon questionnement du moment de à quoi sert le métier d’acteur. » Quant à Swann Arlaud (Petit paysan en 2017) dans le rôle d’Emmanuel: «Après avoir vu des reportages insoutenables, je prenais volontiers en charge la blessure intérieure des victimes.» Alexandre, François et Emmanuel, trois profils résultant d’un casting abouti.
Coïncidences
«Le tournage s’est fait dans le secret et avec beaucoup d’émotion au sein du groupe, en Belgique et au Luxemburg. A Lyon ce n’eut pas été possible» révèle le cinéaste. François Ozon dit ne pas avoir programmé la sortie du film pour la Berlinale et qu’il ne
pouvait anticiper l’ouverture d’un procès à Lyon le 7 mars prochain, ni les défroquements par le Pape au Vatican peu de jours après la remise à Berlin de l’Ours d’argent pour le meilleur film récompensantson film. L’Ours d’or a été attribué à Synonymes de Navad Lapid qui dénonce l’antisémitisme en France. Un autre sujet brûlant de l’actualité.
«Grâce à Dieu» – Drame de François Ozon – Avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud – 2018, FR/ BL, 137’, 14/14ans – Depuis le 20 février 2019 dans les salles