Commencer le rugby à 60 ans ? Yes we can!
Sandrine Clément, nouvelle joueuse | Pour moi, le rugby, il y a encore deux ans, c’était des lourdauds qui jouaient au tas. Les tronches, les dents en avant (ben oui… protège-dents oblige) ; les casques de protection, là c’est le pompon, tellement sexy, cette tête d’œuf avec mentonnière. Bref, le rugby… je zappais en râlant. Coupe du Monde 2019 à Tokyo : les Springboks d’Afrique du Sud s’envolaient tranquillement vers la victoire… Je ne sais pas trop ce qui m’a captivée : l’agilité des joueurs, la bouille du capitaine (des boucles blondes et des yeux bleus de bébé Cadum), pas vraiment la carrure d’une brute épaisse. Et la qualité des interventions du commentateur – ha, y’a des tas différents ? Ruque, maol, koisséssa ? Bref, de fil en aiguille sur le net… J’ai eu envie, carrément, de m’y mettre. Marrant : à 20 ans, j’étais plutôt volleyball, pas de contact avec l’adversaire. Alors ? La complexité des règles vise principalement la sécurité des joueurs – un sport de hooligans, pratiqué par des gentlemen. Parfois ils se houspillent ; mais ce fair-play, l’offensive qui s’arrête, aider un adversaire à se relever, étonnant. J’apprends plus tard que les mots d’ordre du rugby sont, en gros : respect, esprit d’équipe, engagement, courage, dépassement de soi, partage, convivialité. J’ajoute loyauté, fair-play, encouragement des efforts, etc. Commence alors la recherche d’un club… 2020 restera l’année du doute sur ma capacité à jouer. Et des premières blessures dont j’étais fière, finalement : doigts tordus, estafilades au visage, bleus un peu partout. Fin de l’hiver 20-21 ; je tombe sur un club où je vais apprendre, à mon rythme, et viser surtout la détente. Pas mal de choses m’échappent, donc je demande à rejoindre l’Ecole de rugby, normalement réservée aux 5-16 ans. Quelques carrures à ma taille dans cette nuée de mouflets. C’est avec les minis que je me prends le plus de gnons – mais c’est avec une adulte que j’ai pris mon plus monumental traumatisme crânien : 36 chandelles, une bonne leçon d’apprise : « tourne la tête quand tu vas au soutien » ! Le gros gag, c’est que certains gamins peinent à comprendre pourquoi, étant une « grande », je connais aussi mal les bases. Je sais bien que je dois me dégager de suite après placage… mais l’autre jour, assise sur mon popotin, je salive en voyant le ballon tout seul, et je plonge dessus comme sur un Carambar ! Pfouh, l’engueulée que je me prends, là : « T’as pas le droi-oi-oi-oit ! ! ! ! ! », j’en ai encore les oreilles qui sonnent ! Bleu d’indignation, le titi. J’ai dû lui expliquer que je débutais ! Un autre me glisse tout doucement « Vous jouez au rugby, Madame ? ». Résistant à l’envie de répliquer, je me présente, on se tutoie, et je lui explique le pourquoi du comment. Mine de rien, avec les nains, je m’éduque. Moi j’essaie de leur montrer des astuces de confort et de sécurité : se scotcher deux doigts quand l’un d’eux est amoché, mettre TOUS les cheveux sous le casque – histoire de repérer le pote à qui faire la passe. Et mes potes d’entraînement, ils sont choux ; si parfois la passe est trop enthousiaste, j’entends « ‘Tention, doucement, c’est Sandrine ! » J’ai les doigts niqués, les jambes couvertes d’hématomes… mais j’m’en fous. Parce que je me marre bien !