Cinéma – « Un simple accident » de Jafar Panahi

Celui qui témoigne de la complexité de la vie en Iran depuis 1995 avec « Le Ballon Blanc » est une nouvelle fois reparti primé – et cette fois-ci palmé – du dernier Festival de Cannes. « Un simple accident » est un road trip prenant qui problématise l’envie de vengeance, animé par des personnages aussi vivants que traumatisés.
Suite à un accident de voiture au cours duquel il percute un chien, Eghbal rencontre un homme qu’il pense être le bourreau l’ayant persécuté en prison. Que faire d’un tortionnaire que l’on n’a jamais vu mais que l’on pense reconnaître au son de sa prothèse ? Faut-il se venger au risque de lui ressembler, ou le laisser continuer sa vie pour mieux s’en distancer ? Tentant de répondre à cette question, Eghbal entraîne avec lui des ancien·nes détenu·es dans un road trip mouvementé, où le corps du bourreau, enfermé dans le coffre, est véhiculé aux quatre coins de Téhéran.
Pour traiter de ce sujet complexe, Jafar Panahi semble introduire une multiplicité de tons par l’entremise de ses personnages qui se joignent à la quête d’Eghbal au compte-goutte. Alors qu’ils embarquent un par un, le film évolue en crescendo vertigineux vers une quête de vérité marquée par une absurdité que rappelle une citation de Beckett, au milieu du désert. Ainsi, si le film parle d’un sujet tragique, il est amené avec des touches d’humour, par le biais de personnages tels que des vigiles ou par des blagues récurrentes. Une machine à cartes est ainsi sans cesse brandie par des personnages secondaires réclamant leur dû, devenant les représentants d’une société corrompue.
Autour d’un sujet glaçant, le cinéaste iranien parvient à insuffler ce ton déjà présent dans « Taxi Téhéran », fait d’une sorte de légèreté et d’humour dans le drame. Malgré ces instants de légèreté, le tragique est omniprésent, notamment par la représentation du traumatisme qui est signalé par un son fantôme, celui de la prothèse du bourreau qui hante encore après que l’image ait disparue.

UN SIMPLE ACCIDENT
Fiction, Jafar Panahi, Iran, 2025, 103′,
VOSTFR, 12/14 ans
À voir au cinéma d’Oron


