Cinéma – Le festival Indie Lisboa s’est tenu du 1er au 11 mai dans la capitale portugaise. La Suisse y était bien représentée

Des écoles d’art suisse à Lisbonne
Le palmarès est tombé samedi soir, à l’occasion d’une cérémonie de remise des prix qui récompensait notamment « Hanami » de Denise Fernandes, co-produit par la RTS, qui a écopé du grand prix de la compétition nationale. Dans la compétition internationale de courts-métrages, la ZHDK, école des arts zurichoise, était bien représentée avec trois films en lice. L’un des trois, « Winners », de Edgar Gomes Ferreira a reçu une mention honorable. L’école cantonale des arts de Lausanne était aussi représentée par le film « Naissance d’une pierre » de Camille Anker. Les magnifiques paysages du Chablais imagés par la réalisatrice se déployaient avec force sur l’écran de la salle de cinéma lisboète.
Un kiosque comme panoptique
Outre cette présence helvétique saluable, IndieLisboa donne l’occasion de découvrir de superbes œuvres locales mettant en perspective la capitale portuguaise. Le film « As Flores » de Madalena Fragoso portraiture ainsi la vie d’un quartier lisboète en pleine transformation, de 2015 à 2016. La réalisatrice, employée dans l’un des kiosques typiques de la ville, observe la gentrification du quartier au travers des fenêtres de son lieu de travail. Le film entièrement filmé avec un téléphone conjugue des petits moments de vie pour parler localement d’un problème plus large. Les plans ont été par ailleurs recadrés afin que le long-métrage soit unifié en un format carré qui ne manque pas d’originalité et de sens. Le documentaire se conclut sur un plan révélant le contre-champ de tous les autres : la réalisatrice est accoudée au bar et semble blasée face à la transformation d’un quartier qu’elle n’a de cesse d’observer.
La forme documentaire était par ailleurs représentée dans sa forme la plus hybride, avec le docu-fiction serbe « Wind, Talk To Me » de Stefan Djordjevic. Alors que les jours de sa mère malade sont comptés, le réalisateur décide de la filmer en compagnie de son frère Bolle, avec une grande maîtrise du dispositif qui laisserait croire à une fiction. Après le décès de cette dernière, il poursuit son projet en filmant le reste de sa famille. Le long-métrage qui en résulte brouille la temporalité en mêlant les images jusqu’à laisser croire que sa mère vit encore auprès d’eux. Le geste est fort, il tente de représenter comment un être cher reste auprès des siens, même après son décès. La mise en scène de sa propre famille et de lui-même est par ailleurs irréprochable : le jeu est convaincant, les images dans les magnifiques décors naturels de Serbie sont magnifiques. Néanmoins, tout se passe comme si cette perfection mettait à distance une réalité pleine de fragilité, qui aurait tout pour nous toucher. Le documentaire s’apparente ainsi à une fiction – malgré quelques instants appréciables au sein desquels la transparence du dispositif cinématographique est brisée – au point de desservir le récit intime qui nous est proposé. Si le geste de faire jouer sa propre famille est en soi assez génial, il disparaît derrière un contrôle absolu qui annihile toute forme d’aspérités. Par ailleurs, comme cela est fréquemment le cas dans ces documentaires – ici compris dans le sens de films qui mettent en scène des vraies personnes et non des acteurs – qui ressemblent à des fictions, il semble que l’accent est mis sur le geste plutôt que sur la rigueur d’écriture. Tout en ressemblant à une histoire mise en scène de A à Z, le film propose un récit peu original et peu rythmé, comme si l’étiquette documentaire autorisait cela. Pour nous, cela revient à faire une confiture à la tartine plutôt qu’une bonne tartine de confiture.
Jia Zhang-ke pour clore
Parce qu’IndieLisboa est un festival international, il permettait d’apprécier des films venus des quatre coins du monde en première nationale. Le dernier opus du réalisateur chinois Jia Zhang-ke « Caught By The Tides » était ainsi montré en clôture des dix jours de festivité, dans un grand auditorium quasiment plein. Mêlant des images aux registres variés, le film s’autorise un mode de narration rayonnant de libertés, prônant, à l’image du festival, un cinéma riche de son indépendance d’esprit.