Cinéma – La Vénus d’argent d’Helena Klotz : jeune femme dans un monde d’hommes
Quel est le point de départ de l’écriture d’un film ? Ecrit-on pour raconter un lieu ou une atmosphère à laquelle on subordonne une histoire, ou avons-nous plutôt à cœur de raconter une histoire pour laquelle il faut trouver le lieu de déploiement adéquat ? La Vénus d’argent projette d’aller explorer des univers passionnants par le biais d’un itinéraire : celui de Jeanne (Claire Pommet), qui vit dans la gendarmerie dans laquelle travaille son père, tout en essayant quotidiennement d’en sortir en tentant de se faire une place dans le milieu des banques d’affaires. Si les contrées explorées sont aussi singulières que peu représentées au cinéma, elles disparaissent derrière une histoire qui n’émeut que peu.
La gendarmerie et la banque
La gendarmerie et les banque d’affaires : deux mondes que rien ne lie si ce n’est l’absence de femmes. Le milieu de la banque d’affaires n’intègre pas volontiers tout ce qui n’est pas un homme en costume trois pièces, et les épouses désertent le milieu clos de la gendarmerie, à l’image de la mère absente de la protagoniste. La traversée de ces univers, son exploration et sa mise en lien par un personnage de fiction constitue un projet passionnant. Néanmoins, le film se concentre si fort sur l’histoire assez prévisible de cette protagoniste, que les milieux qu’elle traverse perdent en profondeur et restent très hors-champ. Le cadre se resserre sur elle, et l’environnement n’apparait plus que par bribes. Le reflet de l’oppression sur le visage de la protagoniste ne constitue ainsi pas un élément assez solide pour qu’on puisse y lire la complexité d’un monde.
Sororité inexistante
Représenter l’inaccessibilité d’un milieu d’hommes pour une jeune femme ne manque pas de pertinence, mais on peut se questionner sur comment le faire. Dans La vénus d’argent, les figures de femmes sont très restreintes : il y a d’une part une baronne des affaires voraces et envoûtante, qui épaule Jeanne mais qui apparait comme une créature distante, et une gendarme qui chante. Les protagonistes sont sinon des hommes : le patron, les collègues, le père et l’ex-copain qui revient de l’armée. Avec ce dernier, Jeanne dégainera ses premiers sourires du film, comme si seul l’amour – de son ancien violeur par ailleurs – lui permettait d’être heureuse. Si on comprend évidemment que le peu de femmes présentes dans cette histoire sert à dépeindre un monde d’hommes, on peut regretter que le film ne s’attelle pas à en montrer le contrepoint, à savoir une forme de sororité qui aurait pu se nicher dans des recoins inexplorés des contrées scénarisées.
La Vénus d’argent, Helena Klotz, 2023, France, 1h35
A voir au City club de Pully durant tout le mois de mai