Cinéma – Des étincelles aux Kurzfilmtage de Winterthour
Hors compétition, les journées du court-métrage de Winterthour proposaient des programmes spéciaux qui valaient le détour, notamment le programme Sparks contenant des highlights de la production annuelle de courts-métrages.
Des personnages gris sous le soleil de plomb
Le programme « Sparks » a été imaginé pour introduire le monde du court-métrage dans toute sa variété. Le programme du samedi permettait ainsi de voir notamment Soleil gris de Camille Monnier, un court-métrage d’animation réalisé à la peinture à l’eau. Sur des fonds qui ne bougent pas, deux jeunes femmes au teint gris attendent le retour de la mère de l’une d’entre-elles pour quitter le motel qu’elles doivent surveiller. La chaleur exténuante les assaille et les pousse au conflit, jusqu’à ce qu’un feu menace leur existence. Le court-métrage calme s’enflamme alors, dans une magnifique scène de fuite à laquelle l’animation permet beaucoup de puissance. Les lignes se dispersent, vrillent, tremblent et se diluent sur une superbe musique de Fredrika Stahl. Une fois sorties des rayons du soleil gris du titre, les deux jeunes femmes apparaissent enfin sous leur vraie couleur rosée, comme enfin faites de chair. Ce qui apparaissait ainsi jusqu’alors comme un choix pictural est soudainement dépeint comme une réalité intra-diégétique tragique : celle d’une planète qui ne tourne plus rond au point de décolorer ses habitant.e.s.
Les clients disproportionnés d’un hostel
L’animation était bien représentée dans ce programme qui comprenait aussi le court-métrage Two point five stars, film de diplôme de Sina Lerf, Dario Marti et de Dario Boger réalisé à la haute école de Lucerne. Là encore, l’animation permet des représentations inédites : à la réception d’un hostel, Robin doit faire face à des client.e.s des plus intenses. Les disproportions rendues à ces drôles de personnages volontairement caricaturaux produisent un effet comique fort. Le court-métrage s’autorise ainsi des dingueries, qui mises bout à bout dressent un portrait hilarant du rapport d’une employée à sa clientèle insupportable.
Des mochis pleins de larmes
Le ton est moins à la rigolade avec Amarela, film brézilien d’André Hayato Saito. Alors qu’Erika est dans tous ses états face à la finale de la coupe du monde de football qui oppose le Brésil – pays où elle vit – à la France, elle est violemment ramenée à sa condition d’immigrée japonaise. Tiraillée entre un repas de famille traditionnel pour lequel on l’attend et cet événement important pour la supporteuse qu’elle est, Erika finira tragiquement par laisser couler ses larmes, alors que la caméra qui la cadre de près révèle petit à petit sur quoi ses pleurs tombent, à savoir de la pâte de riz pour confectionner
des mochis.
Cooper à la laverie
Hello stranger de Amélie Hardy brosse le portrait de Cooper, une jeune femme trans. Alors qu’une scène d’introduction les montre toutes deux en train de discuter, elles tombent d’accord sur comment entamer le film, à savoir s’adresser à ceux et celles qui dévisagent quotidiennement Cooper à la laverie automatique. Le film semble dès lors trouver sa forme dans un respect profond de Cooper et de ses envies de se narrer elle-même. Le film est ainsi très didactique, mais permet, quoiqu’à la troisième personne, d’être un récit intime sur la construction identitaire.
Les chats de Beirut
The sun sets on Beirut de Daniela Stephan présente Ghady et Mounia dans la capitale libanaise, en quête du chat disparu de cette dernière. Bien vite rejoints par Olivia, une étudiante anglaise qui cherche à interviewer des locaux, la dynamique est tendue : Ghady drague Olivia, alors que Mounia reste sur le côté, visiblement agacée, mais surtout préoccupée par la disparition de son compagnon domestique, comme de la situation critique de son pays. Le trio est passionnant à observer par le prisme du genre : pourquoi Ghady ne se pose-t-il pas la question que Mounia n’hésitera pas à envoyer frontalement à Olivia : « Qu’est-ce que tu fous là, t’as pas peur des bombes ? ». La quête du chat guide le récit en donnant lieu à une exploration de Beirut assez tragique pour ces trois jeunes qui apparaissent comme les derniers survivant.e.s d’une ville dans laquelle la vie peine à tenir, comme le suggèrent les chats dans le récit. Alors qu’un chaton est bloqué dans un pot d’échappement, le trio s’active pour tenter de le sauver, alors que le
propriétaire de la voiture décide de démarrer.