Cinéma – « Aftersun », de Charlotte Wells
Au cinéma d’Oron, les jeudi 2, samedi 4, dimanche 5 et mardi 7 mars

Pour son premier long-métrage de fiction, la réalisatrice anglaise Charlotte Wells excave un peu de son propre vécu pour le mettre sur pellicule. Un conte incroyablement touchant à découvrir cette semaine au cinéma d’Oron.
Père-fille en vacances
Sophie, onze ans, passe ses vacances en tête à tête avec son jeune père, de peu d’années son aîné. Leur lien est profondément émouvant: ils semblent aptes à tout se dire, et encore plus à rire. Lors de cette semaine all inclusive en Turquie, la jeune fille devine néanmoins chez son père certaines traces de galères. Outre sa vie de père, on ne connait pas grand-chose de lui. Mais nous ne sommes pas les seuls dans cette situation: ce récit est entrecoupé par quelques rares plans de Sophie, vingt ans plus tard, auscultant les souvenirs que sont les vidéos DV filmées pendant ces dernières vacances en compagnie de celui qu’elle a beaucoup aimé. Ces plans viennent signifier que toutes ces images existent avant tout dans la tête de Sophie, vingt ans plus tard.
Filmer les souvenirs
Le format du film est ainsi particulier: il lie des images tournées sur pellicules, qui visent à compléter les blancs d’une vidéo DV à l’autre, comme si, outre les souvenirs matériels, Sophie reconstruisait par sa pensée et vingt ans plus tard, ce séjour fondamental pour son développement. On voit, en effet, dans Aftersun les derniers instants de l’enfance de Sophie, tant par son lien à son père qui se distend que par son rapprochement de groupes de jeunes fêtard·e·s dans le lieu de vacances. Les adieux au père, filmés sur caméra DV, semblent ainsi vouloir dire plus que «aux prochaines vacances». Par ce format d’image, le souvenir prend une dimension encore plus sentimentale, tant pour Sophie qui les regarde vingt ans après que pour son père qui regarde en boucle les vidéos, alors même qu’ils sont encore ensemble en Turquie mais que la petite Sophie dort.
Our last dance
Il a en effet beau être un père attendrissant et drôle, on sent dès les premiers instants du film que quelque chose cloche. Difficile de savoir quoi, le contexte de l’enquête menée par Sophie a posteriori pousse le public à tendre l’œil et l’oreille. Mieux encore, il fournit au film une véritable tension, par cet aspect anxiogène qui ne l’empêche pas de briller de douceur. En résulte un final franchement déchirant quoique simple, très bien mis en musique et en image, comme le reste du film.
« Aftersun » Fiction de Charlotte Wells, Royaume-Uni, 2022
102’, Vostfr, 16/16 ans