Ciné Doc – Trois courts-métrages et puis s’en vont
«Répétition», «A nos Ainés» et «Waves of Transition»
Colette Ramsauer | CinéDoc invite trois élèves de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne à montrer leur travail. Elie Grappe, Lou Rambert Preiss et Jonas Scheu seront présents ce vendredi 18 mai à Oron pour présenter leur court-métrage. La soirée met fin à la saison des projections mensuelles de films documentaires CinéDoc.
Elie Grappe
A la veille d’un spectacle de fin d’année, des adolescents répètent en chœur. Elie Grappe nous emmène à Lyon pour «Répétition» où il a installé sa caméra dans une classe de musique du Conservatoire de la ville. Le film dure le temps que le maître de musique prépare la classe, que les élèves s’installent, chantent et quittent la salle. Zoom sur l’usage de mise en forme, sur le prof dirigeant le chœur, sur sa gestuelle, ses expressions d’insatisfaction ou de contentement, ses remarques et encouragements aux élèves, pas toujours attentifs. Les paroles en allemand des airs de Schumann ou Mendelssohn sont incompréhensibles, mais c’est là tout un charme qui s’ajoute à celui de l’adolescence. Le tournage en huis clos ne permet pas la dispersion. Il fait du film une entité, un tout, comme niché dans une boucle de Möbius.
Lou Rambert Preiss
Sur les étagères d’un dépôt, bouteilles de vin de Mont-sur-Rolle et chocolats de nos meilleurs confiseurs attendent d’être distribués à leurs destinataires: nos nonagénaires. De brûlante actualité, «A nos Aînés» de Lou Rambert Preiss nous instruit sur le déroulement précis d’une tâche de l’administration lausannoise. La caméra poursuit le délégué Pahud ou ses collègues. Chargés des présents et du bouquet de fleurs traditionnels, ils débarquent aux dates d’anniversaire, dans les familles en fête, ou pas. Le milieu social ne varie guère (c’est connu, les très âgés sont majoritairement riches). Après la lecture de la lettre signée du syndic s’installent de lourds silences, évocateurs du peu d’avenir que présagent ces vœux, bien que parmi les 350 nonagénaires actuellement dans le canton, plusieurs soient dans une forme physique incroyable. La révérence qui leur est faite aujourd’hui est cantonale. Dix ans plus tard, elle sera celle de la Confédération. Une prochaine idée de tournage pour Lou Rambert Preiss?
Jonas Scheu
Lui est allé en Birmanie, pays ruiné par 60 ans de régime, pour tourner «Ma Yan Chan – Waves of Transition». Sur la Jetée de Ma Yan Chan, rive de l’Irrawaddy, il s’est immergé dans une communauté de dockers vivant dans des habitations sommaires sur leur lieu de travail. Leur tâche consiste à charger et décharger des embarcations de marchandises, occupation illégale dont tout le monde bénéficie. Pour un maigre pécule, des jeunes gens et jeunes filles portent de lourds barils d’huile ou des sacs de farine. Dans son élan vers la modernité, la politique du pays exige que les dockers vivent dans des immeubles récemment construits sur la berge. Certains hésitent, d’autres refusent de regagner ces constructions de béton, ces cages à lapins. Ils doutent que les nouvelles constructions résistent aux tremblements de terre. Jonas Scheu filme le quotidien d’un jeune docker, Ye Min Thu et de sa tante Myint Myint Than. Il saisit leurs questionnements. De leurs traditions ancestrales, l’usage du Thanaka, – joues enfarinées des femmes – contraste avec les habitudes de ce début de siècle. Le titre du film se justifie pleinement.
«Répétition», «A nos Ainés» et «Waves of Transition» CH, 60’, vost 16/16 – Au Cinéma d’Oron le 18 mai à 20h
Echos d’un petit pas vers la démocratie
CR | CinéDoc a sélectionné trois courts-métrages démontrant la diversité du travail des étudiants de l’Ecole cantonale d’art, dirigée par Lionel Baier à Lausanne (ECAL). Le film «Ma Yan Chan – Waves of Transition» de Jonas Scheu est un travail de diplôme dans le cadre du master cinéma ECAL/HEAD. Questions au cinéaste habitant Les Thioleyres.
CR: «Qu’est ce qui vous a amené en Birmanie?»
JS: «J’y suis allé régulièrement depuis 2005. Ce pays m’a toujours attiré. En 2016, j’ai décidé de tourner mon film de master. Je voulais montrer que ce n’est pas seulement le pays des pagodes dorées. La vie est difficile pour la plupart des Birmans, aussi pour les dockers qui servent le port de la ville de Mandalay. J’y suis allé d’abord pour des repérages et suis parti ensuite avec une chef opératrice. Le reste de mon équipe étaient des personnes birmanes. Le tournage a duré 2 mois à peine.»
CR: «Avez-vous ressenti les tensions dues à la guerre de religion entre bouddhistes et musulmans?»
JS: «Pas du tout. Les habitants de la jetée de Mandalay sont tous boud-dhistes.
Il s’agit d’une communauté forte par son ancienneté. Ce sont par contre les autorités du pays qui essaient de récupérer les surfaces d’habitation ou les terres cultivées pour les exploiter différemment. Un style de vie est menacé et les habitants se défendent. Lorsqu’on se trouve sur place, on voit aussi les manques en matière d’éducation.»
CR: «L’ECAL a une aura internationale lorsqu’on parle de Design. La section cinéma bénéficie-t-elle de cette ouverture?»
JS: «La section cinéma de Lausanne fait partie des trois meilleures formations reconnues en Suisse avec celle de Genève et Zurich. Nos films au montage sont traduits en anglais afin de pouvoir être représentés de suite aux festivals internationaux.»
CR: «On parle beaucoup en ce moment de la sous-représentation des femmes cinéastes. Quel pourcentage de jeunes filles compte votre section de l’ECAL?»
JS: «Elles sont aussi nombreuses que les garçons, sinon plus. C’est vrai qu’au final, on les retrouve minoritaires dans les festivals. Il y a beaucoup de travail à faire, aussi en Suisse.»
Cinéaste et artiste en photographie, Jonas Scheu (1980) est producteur indépendant. Depuis 2017, il est assistant HES, Département Cinéma/cinéma du réel, HEAD, école d’Art et Design de Genève. En 2012, il avait présenté à Oron «Amrit, Nectar of Immortality» documentaire tourné aux Indes en co-réalisation avec l’anthropologue Philipp Eyer.
Le réalisateur, qui vit depuis 15 ans dans notre région, apprécie le cinéma d’Oron pour son caractère régional, le choix de ses films et la possibilité pour les réalisateurs de rencontrer le public.