Chexbres – Jeanne Pauroux a fêté ses nonante ans le 7 mai
Qu’il est bon ainsi de bavarder dans le ramage des hirondelles, bien campée dans la vie
Pierre Dominique Scheder, Chronicoeur de Chexbres | Bien campée dans la vie, comme enfant dans son âge, habitant à deux pas du regretté et si bon Monsieur Cottier, Madame Jeanne fait vraiment plaisir à voir. Elle nous reçoit attablée dans son jardin, avec son fils Jean-Philippe, un fils vraiment unique et de qualité, qui a hérité de ses parents cette bienveillance et justesse d’esprit. Qu’il est bon ainsi de bavarder dans le ramage des hirondelles. Les aïeux s’invitent à table et les souvenirs se cousent et se décousent à l’image de l’ouvrage de couture qu’elle a entre les mains. « Je me fais une petite jupe ! » dit-elle simplement. Elle est née le 7 mai 1930 dans une fratrie de cinq enfants à Châtel-Saint-Denis, charmante petite ville encore habitée de la présence de l’épatant Monseigneur Bernard Genoud qui était un peu de la famille. Jeanne a « touché du bois » très tôt, son papa ayant une entreprise de bois, scierie, charpente et commerce de bois. Sa spécialité était la fabrication d’escaliers en colimaçon, terreur des fumeurs mais bonheur des petits sonneurs de cloches. Le papa construisit en 1950 le premier chalet tout en bois de Chexbres, au chemin du Daillard. Jeanne fit son école primaire à l’école communale, puis secondaire à l’institut St-François de Sales toujours à Châtel-Saint-Denis. A la fin de sa scolarité, elle trouva une place de fille de salle à l’hôtel Cécile à Chexbres. De grand renom, il possédait même une piscine privée et un restaurant. Le temps du repas était un vrai cérémonial, avec réchauds, nappes et serviettes en tissus comme on peut encore le voir en Italie, dans les lieux où l’industrie du tourisme et Mac Donald n’ont pas tout bouffé. Le patron Régamey était exigeant et sévère. « J’en ai bien souvent pleuré ! » Il demandait aussi une tenue correcte, costume cravate pour les clients. Les jeunes de la région fréquentaient l’établissement du Central car il y avait là une discothèque avec de la bonne musique. A la fermeture, une fine équipe montait à l’hôtel Cécile où on pouvait encore boire un dernier verre. Elle y rencontra André. En l’an de grâce 1952, l’ami boulanger et pétabosson Bidlingmeyer les maria et leur remit un précieux livret de famille où figurait le beau texte de Ramuz, « Sur le banc devant la maison… », écrivain fort apprécié par les époux. Alors après un papa dans le bois, voici notre héroïne côtoyant un beau-père dans le fer. Quel bel alliage! En effet, Jean Pauroux, véritable artisan, oeuvrant comme serrurier, confectionnait des petites lanternes de fer forgé que l’on voit encore aux entrées des villas. Il réparait aussi les sécateurs de vignes au ressort défectueux. Il ne se faisait jamais payer. Jeanne, bien heureusement, mit de l’ordre dans tout cela. Elle prospectait les alentours pour trouver des commandes. Mais le commerce devint florissant quand la petite entreprise produisit un superbe coupe-papier en forme de baïonnette d’officier de l’armée suisse. Il s’en vendit des centaines jusqu’en Amérique. Même que le Général Guisan en commanda quelques exemplaires en une belle lettre félicitant Monsieur Pauroux pour cette magnifique création. On évoqua encore la patrie et ceux qui la chantent à l’instar de Gilles et Urfer à l’auberge de l’Onde, de Saint-Saphorin. Et, ajouta le fils, « Vidy 1979 quand toute une jeunesse faisait la fête à la chanson ». Et Madame Jeanne, vous-êtes-vous mise au numérique ? « Oh non ! Mettre la pensée et la vie en chiffres, non merci ! » Mais « 90 » est un bien joli nombre rond. Qu’il vous porte chance ! Bon anniversaire chère Jeanne Pauroux.