Chexbres – A la bonne école de Marie-Anne de Gunten
«On était au poste jour et nuit et nuit et jour!» commente-t-elle

Pierre Dominique Scheder, Chroni-coeur | L’itinéraire de Marie-Anne de Gunten (Chevalley) se «signale» par une existence toute vouée au service d’une nombreuse et chère clientèle dans le fameux hôtel du Signal qu’elle a dirigé avec son mari, Roger, et toute la famille dès l’année de leur mariage en 1954. «On était au poste jour et nuit et nuit et jour!» commente-t-elle. C’est avec grande émotion qu’elle parle de ce temps en me montrant les centaines de lettres de ses pensionnaires reconnaissants provenant du monde entier. Certains d’entre eux étaient très fidèles à l’exemple de cette dame qui fréquenta l’établissement de 8 ans à 104 ans! Les hôtes pouvaient être de simples gens ou des VIP comme Madame Dassault. Il y eut même une fois Jacques Chirac, alors Premier ministre, au bout du fil! L’hôtel était une vraie communauté familiale à laquelle s’ajoutait l’esprit solidaire liant tout le personnel. Leurs deux fils, Yves et Thierry, héritèrent du virus et fréquentèrent l’Ecole hôtelière. Si Thierry émigra en Australie, Yves travailla au four et au moulin familiaux. Madame Marie-Anne avait le dada des arrangements floraux qui décoraient admirablement ce fabuleux établissement. Par moment, l’hôtel prenait des allures de grand théâtre et on se croyait dans une pièce de Courteline. Mais le rideau se ferma sur cette belle aventure. Il fallut vendre en 2006. Autres temps autres mœurs, «Les Terrasses de Lavaux» trônent désormais sur la colline. «Ils ont coupé les arbres!» déplore Marie-Anne. Du coup, elle retrouva le lieu où elle était née en Crousaz, à Chexbres, le 19 décembre 1929. La boucle est bouclée… non sans avoir au préalable transformé la ferme familiale en immeuble tout confort car poulaillers, jardins et clapiers n’étaient plus d’actualité. Vers 7-8 ans l’enfant Marie-Anne endura une grave épreuve: une polio avec complications la cloua sur un lit de l’Hôpital de l’enfance. Ses parents et tout l’entourage se relayèrent à son chevet avec sollicitude. Elle se rétablit et travailla bien à l’école. Elle aimait étudier. Au point qu’après un séjour en Suisse allemande et en Angleterre, elle apprit le métier d’institutrice à l’Ecole normale de Lausanne. L’Ecole normale… un terreau d’artistes, de poètes et de musiciens. La jeune régente enseigna durant trois ans à Cuarnens, où elle rencontra un élève «handicapé» pour qui elle se prit d’affection et qu’elle encouragea tout au long de sa vie. Tout se passa bien même si la Commission scolaire lui fit gentiment remarquer qu’elle vantait un peu trop son «Dézaley!» Vie de famille, esprit communautaire, convivialité, passion de créer du lien, don de soi, confidente avisée pour beaucoup de personnes, voilà les vertus que nous enseigne par son exemple cette grande dame de l’hôtellerie helvétique. Avec elle, nous sommes à bonne école! Merci et bonne fête Madame Marie-Anne de Gunten.