Chauffage – Le biogaz, une énergie sous-exploitée
Transformer du fumier en électricité et en chaleur, c’est le pari des centrales à biogaz. Pourtant, en Suisse, ces installations restent rares. Entre exigences administratives élevées et investissements lourds, leur développement peine à décoller. Reportage à Palézieux-Village, où l’un des pionniers du biogaz nous ouvre les portes de son exploitation.

Recycler les excréments de bovins pour produire de l’énergie, voilà le principe des centrales à biogaz. À Palézieux-Village, Eric Ramseyer et son frère Gérald exploitent l’une des rares installations du canton. « Nous nous sommes inspirés de ce que faisait Samuel Chevalley à la sortie du village », explique Eric. Pionnière en la matière, la ferme Chevalley utilise cette technologie depuis 1973. Aujourd’hui, grâce à des équipements plus performants, l’exploitation des frères Ramseyer couvre les besoins en chauffage du collège situé à quelques mètres et de 650 ménages, soit l’équivalent de 2000 habitants.
Une énergie issue de la fermentation
Dans une fosse de 1500 m³, le purin des vaches est pompé chaque jour (entre 15 et 20’000 litres), puis acheminé vers un digesteur. Là, il est mélangé à du fumier, du gazon et des résidus agricoles. « Le tout est stocké hermétiquement, ce qui permet aux bactéries de fermenter cette matière organique », détaille Eric Ramseyer. Cette fermentation produit un gaz combustible, le biogaz, qui est ensuite capté et légèrement épuré avant son utilisation. Contrairement au méthane libéré à l’air libre, qui a un impact 28 fois plus fort que le CO₂ sur le climat, celui issu de la centrale est entièrement capté et utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur. « Il s’agit d’un procédé neutre en CO2 ».
Deux moteurs de couplage chaleur-force (CCF) transforment l’énergie contenue dans ce gaz. « Ils sont reliés à des génératrices qui produisent l’électricité injectée dans le réseau », poursuit l’agriculteur. Par ailleurs, la chaleur dégagée par ces moteurs est récupérée et permet non seulement de maintenir la tempé-rature idéale pour la fermentation dans les digesteurs, mais aussi de chauffer le collège de Palézieux-Village et deux appartements voisins.
Une rentabilité à long terme
Avec une production annuelle de 2 millions de kilowattheures (1,5 million pour le biogaz et 500’000 kWh pour le solaire), l’installation de Palézieux s’inscrit pleinement dans la transition énergétique. Pourtant, malgré son potentiel, cette technologie peine à se développer en Suisse. Vanessa Ménétrier, conseillère en énergies renouvelables chez Prométerre, pointe du doigt les freins administratifs et financiers. « Le potentiel est là, mais voir aboutir un tel projet reste extrêmement complexe sur le plan administratif, politique et financier ».
De fait, les procédures sont longues : « Il nous a fallu sept ans pour obtenir notre permis de construire », se souvient Eric Ramseyer. L’investissement initial, lui, s’est élevé à 3,5 millions de francs, sans compter les coûts supplémentaires pour agrandir la centrale en 2021. Aujourd’hui, le projet permet de financer un poste d’ouvrier agricole, mais son entretien quotidien reste une charge importante. « Je passe environ trois heures par jour à surveiller l’installation. Et encore, si tout fonctionne bien… » Une maintenance exigeante qui peut en décourager plus d’un. « Celui qui n’est pas motivé, mieux vaut qu’il ne se lance pas dans un projet de biogaz. »

Un modèle à encourager
La centrale de Palézieux fonctionne en circuit fermé, limitant ainsi son empreinte environnementale. En plus de produire de l’électricité et de la chaleur, elle valorise ses résidus sous forme d’engrais naturel. Moins odorant et plus efficace que du lisier brut, ce digestat améliore la qualité des sols agricoles. Malgré ces atouts, le biogaz reste largement sous-exploité en Suisse. « L’énergie est présente partout, il suffirait de mieux l’exploiter », estime Elena Julier, conseillère en construction chez Prométerre.
Actuellement, la biomasse ne représente que 8 % de la consommation finale d’énergie en Suisse, dont seulement 0,6 % pour le biogaz. Un potentiel qui, faute de soutien, reste en grande partie inexploité.
Le 20 mars, Prométerre (association vaudoise de promotion des métiers de la terre) a organisé une visite de l’installation pour sensibiliser les agriculteurs à cette énergie locale et renouvelable. L’objectif était de faire évoluer les mentalités et d’encourager de nouvelles initiatives.
Car si le biogaz ne peut pas tout résoudre, il pourrait jouer un rôle clé dans la diversification énergétique du pays.