Charles Bradley – Changes
Lionel Taboada | «People are you ready for some soul music ? I said PEOPLE, are you ready for some old soul music? Ladies and gen-tlemen, brothers and sisters, would you please stand up and clap your hands for the screaming eagle of soul – misssstttter Charlessss Braaaaadddlllleeeeeyy!! »
Voilà sans doute la seule façon honorable d’introduire une chronique du dernier disque de Charles Bradley. Alors, pour tous ceux d’entre vous qui ne maîtri-sent pas la langue de Shakespeare parce que vous étiez plus forts en sport à l’école, pas de panique! Il vous suffira uniquement de comprendre la signification du mot «love» pour toucher du bout de vos frêles oreilles l’œuvre de celui qui se définit lui-même comme une «victim of love». Attention toutefois à ne pas confondre amour et Amour, on parle ici de l’Amour, le vrai, pas celui que tu es censé vouer à ton prochain, ta femme, tes parents et même ton clebs, non pour ça il y a les disques de Zaz. On parle de celui qui te touche au plus profond des tripes, celui qui au prix d’innombrables épreuves est capable de faire de toi «un bon type», de te transcender, un amour qui dégouline de sincérité, en un mot: la rédemption. Tu y es? Parce que l’ami Charles revient de loin et ça s’entend, comme en témoigne le film bouleversant qui retrace son parcours des rues de Brooklyn à l’Apollo Theater de New-York – «Soul of America». Alors qu’une certaine presse musicale lui reproche volontiers de n’être qu’une pâle copie (si on peut dire) de James Brown et de recycler des vieilles recettes déjà entendues mille fois, tout le monde s’accorde pourtant sur une chose: la sincérité et la reconnaissance dont il fait preuve. Il suffit d’ailleurs d’assister à un de ses concerts pour se rendre compte à quel point ce n’est pas «fake» et qu’à 68 ans il est réellement heureux de ce qui lui arrive tellement c’est inespéré (il a sorti son premier disque à
63 ans).
Avec «Ain’t it a Sin» ou encore «You think I don’t know» ce nouvel opus reprend ce qui a fait le succès des précédents, à savoir un groove chaud bouillant qui donne immédiatement envie de sortir son futal en skaï et d’embraser le dancefloor; de la soul AOC de très bonne facture. On notera pourtant un changement de paradigme entre la lutte du premier opus dont le morceau phare «Why is it so hard (to make it in america)» contraste avec le sublime «God Bless America» qui ouvre cette nouvelle galette et le réconcilie avec sa patrie et une certaine forme du rêve américain. Dans l’ensemble ce nouveau disque est plus posé, moins revendicatif, et même si le groove endiablé n’est jamais très loin, il cède volontiers la place à des ambiances plus feutrées et à des sentiments plus personnels. Sans doute que le décès de sa maman n’y est pas étranger, j’en veux pour preuve la magnifique reprise de Black Sabbath «Changes» qui lui est dédiée. Mais qu’on ne vienne pas parler d’album de la maturité à un type qui a commencé sa carrière à l’âge où Justin Bieber sera en maison de retraite. Il me paraît plus juste de parler d’un disque à l’image du crooner, authentique et attachant. La mise en garde suivante devrait d’ailleurs être apposée sur la pochette: «Charles Bradley, un artiste qui ne triche pas… trop vieux pour ces conneries!»
Quoi qu’il en soit, n’écoutez pas ce qu’on vous raconte… écoutez des disques!
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