Ce paysan qui chante son champ… en complicité avec l’alouette !
Gérard Bourquenoud | Au-dessus des blés qui mûrissent au soleil de l’été, épis blonds que les moissonneuses-batteuses vont emporter ces prochains jours, un oiseau chante! Il est six heures du matin. Son chant est si joyeux, si fervent qu’il emplit le ciel et la terre d’un air de fête.
Un air de fête… parce qu’une alouette chante?…
Mais oui… et c’est une révélation! Tout est illuminé, magnifié par cet hymne à la vie: les champs aux moissons coupées et sur lesquels tournoient des vols d’étourneaux qui ont abandonné pour quelques heures les vergers, les arbres dont soudainement le feuillage, toujours vert, a pris des touches de bronze qui en font ressortir la splendeur, les fleurs qui ont relevé la tête durant la nuit, et jusqu’au liseron blanc qui brode avec patience et persévérance le portail de la ferme!… Et ce qui réjouit le paysan, c’est le ciel qui, depuis des semaines, laisse voguer sur son azur un peu moins violent, d’adorables petits nuages gris et pommelés pleins de rafraîchissantes promesses, les montagnes qui ont laissé de côté leurs airs arrogants pour faire du charme et jouer de leurs écharpes de brume légère… Oui, tout est plus beau, comme apaisé, comme rempli d’espoir par cette alouette qui chante… Oui… mais… me direz-vous… nous n’avons pas toujours un tel oiseau sous la main pour entonner la joyeuse aubade du matin. Même ceux qui vivent à la campagne n’ont pas toujours la chance de l’entendre, cette aubade… Et pourtant, l’alouette est la compagne du paysan au quotidien. Si nous ne pouvons compter sur l’alouette tous les matins de notre vie, nous avons par contre, au creux de notre poitrine, un cœur qui ne demanderait pas mieux que de prendre, lui aussi, son envol en plein ciel et de chanter: «Paysan, que ton champ s’élève…» à en perdre haleine, sa ferveur, sa joie, sa foi, son espérance. Si l’alouette s’élance dans le ciel en chantant, il ne faut pas croire que c’est parce que la vie lui est particulièrement facile et clémente… Il y a son nid dans les sillons, dans les champs de blé, à la portée des enfants, des hommes, des machines, des chats, ses petits à nourrir et à élever, à protéger. Elle a ses soucis, ses angoisses, ses peines à elle… Tout comme le paysan lorsque la grêle vient anéantir sa récolte! Mais n’importe… quand le jour revient, elle s’envole et remonte en spirale dans le ciel et à chanter… A chanter éperdument, pour exprimer sa recon-naissance. Elle n’abandonne ni son nid, ni ses responsabilités, ni sa tâche, ni ceux qui dépendent d’elle, mais simplement elle s’élance vers la source de toute vie, comme le paysan, là où elle trouvera sa force, son équilibre, son courage. Puis elle se laisse retom-ber sur les moyettes de blé, là où elle doit être, où elle doit accomplir ce qui lui est confié, comme le paysan qui récolte le grain, ce grain qui donnera le bon pain.
«Chante, alouette qui monte vers le soleil! Ce soleil qui fait mûrir le blé du paysan!