Bouchons vaudois
Le «bouchon vaudois», petite douceur bien d’ici, est une institution pour les gastronomes avertis. D’autres bouchons, tout aussi locaux, sont maintenant bien plus largement répandus… et bien moins agréables. Nombre d’entre nous ont acquis une expérience étendue du phénomène. Certains sont devenus des spécialistes de l’évitement, les autres des experts de l’immobilité.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Quelques chiffres. L’arc lémanique a, depuis les années soixante, subi une densification dont les raisons sont multiples mais que nous n’aborderons pas ici malgré leur intérêt évident. En 1964 (date de l’ouverture en urgence du premier tronçon autoroutier de Suisse, entre Genève et Lausanne à l’occasion de l’expo nationale) la population romande était de 1,5 million d’habitants. En 2013 elle avait atteint plus de 2 millions.
Mettons cela à la lumière de la spéculation immobilière et de la situation de l’emploi et le dessin commence à prendre des couleurs…
Le logement et son coût, les embarras d’un déménagement, l’angoisse des enfants à l’idée de changer d’école, entre autres facteurs, a figé la population dans la sédentarisation. L’emploi, par contre, est devenu nomade, précaire et aussi volatile que la bulle immobilière. Le pendulaire est né. Ce concept, déjà préexistant dans d’autres nations, a par voie de conséquence fini par faire son chemin vers nous.
Pour mémoire, et à une époque pas si lointaine, la famille suivait papa pour s’établir dans la ville où il avait trouvé un emploi. C’était une évidence. Habiter à plus de 20 minutes de son lieu de travail constituait une hérésie. Force est de constater que beaucoup de choses ont évolué…
Vivre et travailler dans la même région est devenu un luxe que peu d’entre nous peuvent s’offrir, mais c’est un luxe nécessaire. Les raisons en sont environnementales, de santé – physique et mentale –, de tissu social et plus simplement de qualité de vie. Une région habitée par des gens qui y travaillent devient une région riche et vivante. Gageons que ce mouvement réactionnaire soit toutefois un mouvement de futur proche.