Bonne fête, Monsieur Simon !
Pierre Dominique Scheder | Monsieur Simon, heureux disciple d’Hippocrate à la retraite, mène sa vie sereinement. D’emblée, il nous livre sa recette qui tient en deux mots, amour et humour, puis enchaîne tout en nous servant un Saint-Saph de derrière les fagots: “La meilleure et plus importante décision de ma vie a été d’épouser l’étudiante infirmière (sourcienne) Colette Florence Grimm que j’ai rencontrée un premier lundi de juillet 1950 en faisant un stage en tant qu’étudiant en médecine à l’Hôpital cantonal de Genève.” La belle dame acquiesce humblement d’un très beau sourire.
Enfance espiègle, donc heureuse à Genève, auprès de parents dévoués dirigeant une manufacture de casquettes. Ça protège la tête! Simon y fait toutes ses écoles, avec ce qu’il faut de visette pour la fronde et le lancer de boules de neige. “Je tirais bien!” concède-t-il malicieusement. Résultat: quelques malheureux carreaux cassés et une lampe publique déjà tremblotante que le garnement aide à mourir.
Un chanceux handicap, me confie-t-il en se marrant, “c’est d’être né un dimanche à Genève, le 26 septembre 1926. Le dimanche, le Bon Dieu se repose. Donc né paresseux, je n’ai jamais essayé d’infléchir la tendance, bien que ma vie de médecin ait été bien remplie! Un autre heureux handicap est le fait d’être un gaucher corrigé”. Sans l’énergique intervention paternelle l’hémisphère droite du cerveau du professeur Simon aurait peut-être pris le dessus, l’entraînant ainsi vers une carrière artistique… Pourquoi pas pianiste?
Pourtant, après une maturité latine obtenue au collège Calvin en 1945, c’est la médecine qu’il choisit. Il obtient son doctorat de médecine de l’Université de Genève en 1953. Ne trouvant pas de place de stage à Genève, il part pour deux ans aux USA… et il y restera 34 ans! Monsieur Simon réalisera une grandiose carrière de professeur en pathologie. Le voici professeur associé au “Jefferson Medical College of Thomas Jefferson University” à Philadelphie et directeur des laboratoires cliniques d’un grand hôpital de l’Etat du New Jersey.
Mais avant d’émigrer, il se marie. Colette, enceinte, le rejoindra en l’Avent 1952, traversant l’Atlantique à bord d’un vieux coucou de Swiss-air rugissant de ses quatre puissants moteurs… Quelle épopée! Le couple aura quatre enfants: Catherine, Philippe, Claire, Corinne. Mais, terrible drame, Philippe s’écroule tout à coup en faisant son jogging en pleine cinquantaine. “Il n’y a pas de pire douleur que de perdre son enfant!” murmure Monsieur Simon. “Ce n’est pas dans la logique du vivant, de la nature.”
Soudain, c’est le mal du pays. Nos deux tourtereaux s’installent à Corcelles-le-Jorat en pleine campagne. Puis le couple descend à Chexbres. “Pratique et convivial!” Monsieur Simon me raconte encore sa participation en tant que médecin à une expédition avec huit Américains dans l’Everest. “Inoubliable!” Depuis cette aventure, il pratique la marche de façon régulière. “Un plaisir simple, mettre un pied devant l’autre, qui libère des pensées obsédantes.” Un matin que Monsieur Simon courait dans les bois de Corcelles, un brave Vaudois l’interpella: “Vous allez coûter cher à l’AVS!” Eh bien certes non! Ce n’est pas cher payé quelques indemnités de plus pour bénéficier de la précieuse présence d’une telle admirable personne. Alors longue vie encore et bon nonantième anniversaire, cher Monsieur le Professeur Simon Soumerai. Namaste!