Blanc sur blanc
Daniele Finzi Pasca – Editions d’En Bas – Traduit de l’italien par Christian Viredaz

Monique Misiego | Dans « Blanc sur blanc, Daniele Finzi Pasca revient à l’humain. Un humain cabossé, blessé, qui trouve le répit dans l’amour après un départ heurté. Ruggiero est d’abord cet enfant, interdit de sourire par un père alcoolique et ravagé par le chagrin. Il est ensuite cet élève qui dissimule ses coups et brûlures de cigarette derrière des vêtements trop grands. Plus tard, raconte Daniele Finzi Pasca, qui signe le texte et la mise en scène de ce récit sur la résilience, Ruggiero découvre des parades et des alliés contre l’adversité. D’abord, son beau-père, entraîneur de foot, lui apprend que l’orage, pluie battante, vent furieux, soigne toutes les plaies. Celles du corps et celles de l’âme. Puis Elena, jeune fille futée, comprend que derrière le silence plombé de Ruggiero se cache une éloquence du cœur. Elle lui enseigne la confiance, la fantaisie, la bienveillance, le désir. Ce qui est frappant chez Daniele Finzi Pasca, c’est qu’il met de la poésie partout, même dans les sujets les plus graves. Et que c’est toujours juste. Il décrit cette résilience d’une façon si précise qu’on pourrait se poser la question s’il n’a pas subi lui-même quelques-uns de ces traitements. Je ne peux résister à vous livrer un passage : Et quand la furie me passait dessus et que je me retrouvais renversé, le coude douloureux, les oreilles bleues, le goût du sang dans la bouche… alors seules les fées me détournaient de la tempête, le temps s’arrêtait et je pouvais descendre du train, m’arrêter à une gare, voir défiler les trains tout un après-midi et puis décider dans quel convoi monter. Les fées sont des haltes soudaines auxquelles on peut demander l’arrêt. Les portes s’ouvrent et on peut décider de descendre et ou de s’arrêter, une petite halte perdue, soleil-chaleur-après-midi après le repas. Il y a toujours un banc où je peux m’étendre et même dormir. Les fées ne sont pas des pauses. Les fées mettent en pause tout le reste. Voilà, on aime ou on n’aime pas Daniele, pour ma part, je suis touchée, chaque fois. Tant par la Fête des Vignerons que par ses spectacles, dont la Verita qui sera rejoué en 2020. Et quand je lisais ce livre je ne pouvais m’empêcher d’entendre ce joli accent italien me raconter l’histoire. Daniele Finzi Pasca est né à Lugano en 1964. Il est acteur, chorégraphe, metteur en scène et auteur. Il a signé trois créations pour le cirque Eloise, un specctacle pour le Cirque du Soleil et un opéra au célèbre Marinskii de Moscou. En 2006, il orchestre la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Turin qui lui vaut un Swiss Awards. En 2012, il reçoit l’anneau Hans Reinhart, la plus haute distinction du théâtre en Suisse. Co-fondateur en 2011 du Teatro Sunil, il approfondit au sein de la Compagnie Finzi Pasca, le « Théâtre de la caresse », technique du geste invisible et de l’état de légèreté. En 2019, il met en scène la Fête des vignerons avec le succès que l’on sait, du moins au niveau de la mise en scène. Le traducteur, Christian Viredaz, né en 1955, est né à Oron-le-Châtel, C’est important un bon traducteur. Ça ne doit pas seulement traduire les mots, mais réussir à faire passer l’émotion. Tous n’y arrivent pas. Ici, c’est un exercice totalement réussi. Il a publié cinq recueils de poèmes entre 1976 et 1996 et traduit une vingtaine d’ouvrages, de l’italien surtout, depuis 1981. En 2018, il a traduit une anthologie de l’œuvre poétique d’Alberto Nessi, Ladro di minuzie/Voleur de détails/Poésie scelte/Poèmes choisis. 1969-2010 Editions d’en Bas.