Balade – « Sur Soleure »
Pierre Dominique Scheder, de retour de Soleure… |. Selon le chroniqueur Olivier Schopfer, au XVIe siècle, des bateliers étaient chargés de transporter jusqu’à Soleure des tonneaux de vin provenant des coteaux neuchâtelois. Le voyage étant assez long, les bateliers tendaient à abuser de leur chargement. Ainsi, lorsqu’ils arrivaient à Soleure, ils étaient fin soûls. D’où l’expression « être sur Soleure » pour dire qu’on a trop bu et, par extension, qu’on est « à côté de la plaque ». Par un beau dimanche d’août 2018, en balade à vélo avec ma famille « à » Soleure, nous avions bien chaud et bien soif. J’allai en avant-garde passer commande de rafraîchissements à la terrasse de la Brasserie Fédérale, pendant que femme et enfant achetaient des glaces artisanales chez le glacier d’à côté. Je demandai une bière, une limonade, un café et un verre d’eau – du robinet –, qui furent promptement servis. Arrivent et s’installent toute guillerettes mes deux dames, savourant leurs ice-cream. Mais, cela n’est pas du goût du patron, qui nous interpelle rudement : « C’est interdit de manger ici des glaces pas de chez nous ! » Sidérés par cette réaction, nous rétorquons qu’on vient de payer une addition de 15 frs. Même l’eau du robinet est facturée 1 fr., et même pas fraîche! L’antipathique aubergiste n’en démord pas et nous prie grossièrement de vider les lieux. Nous obtempérons, tant nous sommes choqués par ce manque de savoir-vivre, non sans lui lancer une petite pique : « Eh bien sers-nous trois gla-salaud ! » Mais le «bourbine» ne comprend manifestement pas l’humour «welsche», et paraît d’ailleurs être déjà bien… sur Soleure! Nous filons d’un coup de pédale vers des horizons plus accueillants, entonnant «Et chantons en chœur le pays romand…», sans pour autant faire nôtre le ver détourné de cette belle chanson populaire: «Et cassons la gueule à tous les Suisses allemands». En effet j’ai un souvenir ébloui de Soleure et de ses «Schweizer Chanson-Treffen» des années septante, où tous les Liedermacher du pays chantaient sous l’oreille attentive du célèbre humoriste et chroniqueur Franz Hohler, un éminent Liederhörer. Un peu plus de poésie, de chanson et de bienveillance dans les rouages du tourisme helvétique seraient les bienvenus. Oublions un peu le tiroir-caisse et le son des écus et revenons à la sagesse et au sens de l’accueil de nos aïeux, qui avaient attiré la curiosité et gagné l’estime des visiteurs du monde entier. Alors, qu’il fera bon sur les terrasses de l’été, sans mesquinerie ni cupidité! Prost!