Assurance-maladie : tous coupables ?
Lena Lio, ancienne députée, Pully | Les assurés en veulent aux assureurs, qui augmentent leurs primes chaque année. Lesquels assureurs s’en prennent aux cantons, qui refusent de contribuer au financement des prestations ambulatoires. Les cantons critiquent la Confédération, incapable de prendre des mesures efficaces. Et la Confédération elle-même n’est pas avare de boucs émissaires: un jour, ce sont les industries pharmaceutiques, qui vendent leurs médicaments trop chers (comme si le développement d’une nouvelle molécule ne coûtait pas des centaines de millions). Le lendemain, ce sont les patients, évidemment irresponsables, puisqu’ils courent chez le médecin pour un rien (comme s’ils devaient deviner la gravité de leur mal, avant même d’avoir consulté!) Et enfin – nouvelle mode – les médecins, qui s’enrichiraient sans vergogne sur le dos des patients. Une enquête récente du «Matin Dimanche» l’a montré: dans le canton de Vaud, 99,4% des médecins réalisent un chiffre d’affaires généralement très inférieur à 1,5 million de francs. Les 0,6% restants (17 médecins sur environ 2800) dépassent ce montant qui, répétons-le, est un chiffre d’affaires. Le bénéfice s’établit, quant à lui, à une fraction située entre 30% et 65% du chiffre d’affaires, selon la spécialité considérée. Au bout du compte, les médecins appartenant à la toute petite fraction la mieux rémunérée le sont encore beaucoup moins que quelques capitaines de l’industrie et de la finance; et même nettement moins que certaines vedettes du spectacle ou du sport qui, pour n’avoir jamais guéri ni sauvé personne, n’en suscitent pas moins une vénération sans borne. Quel contraste, avec le dénigrement dont sont la cible ces professionnels qui reçoivent, examinent et soignent les patients, en assumant la responsabilité de leur santé ou de leur vie! Qui peut croire de bonne foi que l’on contrôlera l’augmentation des primes de l’assurance-maladie en s’en prenant à ceux qui tiennent le rôle principal du système de santé? Qui peut penser sérieusement que l’élimination de quelques rares et hypothétiques abus permettra de maîtriser durablement la hausse du coût des soins? Le pouvoir politique trahit sa mission lorsqu’il exacerbe les rapports de force entre les différents acteurs de la société (allant jusqu’à provoquer des grèves de médecins), plutôt que de rechercher des solutions équilibrées. A terme, notre assurance de base ne survivra pas à cette démarche génératrice de conflits. Personne n’est le coupable du système de santé: c’est manifestement le système lui-même qui dysfonctionne. Et l’on ne résoudra pas son problème en jetant le discrédit sur l’un ou l’autre de ses intervenants. Une véritable réforme se devrait de retrouver la finalité première d’une assurance: éviter un drame financier à celui qui tombe malade. Et non pas rembourser les prestations d’une liste prédéfinie sans tenir compte de la capacité économique du bénéficiaire.