Alice Rivaz écrivaine féministe
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, Palais de Rumine, jusqu’au 30 octobre
Pierre Jeanneret | Pour une fois, voici une modeste exposition qui s’adresse plutôt aux amateurs de littérature. Si vous allez emprunter des livres, des CD ou des DVD à la Bibliothèque cantonale et universitaire du Palais de Rumine, ou si vous allez faire votre marché à Lausanne, jetez un coup d’œil (ou davantage) sur les quelques vitrines consacrées à cette grande écrivaine romande, à l’entrée de la BCU.

Alice Rivaz (1901-1998) était la fille de Paul Golay, l’un des fondateurs en 1917 du Parti socialiste vaudois moderne et grande figure politique de notre canton. Golay, antimilitariste et pacifiste, se situait alors à l’extrême gauche. Sa fille Alice a partagé ses convictions socialistes et se disait même « révolutionnaire ». Autour de 1918, avec ses camarades des Jeunesses socialistes, elle parcourait les villages vaudois en brandissant le drapeau rouge et en chantant L’Internationale… ce qui leur valait souvent de recevoir pommes et tomates pourries de la part de la population paysanne ! De 1925 à 1939, elle a travaillé au Bureau international du Travail à Genève. Dans l’un de ses romans, elle décrit très bien l’ambiance de la salle des dactylos et l’obsédant cliquetis des machines à écrire. C’était bien avant l’ère de l’ordinateur. Elle écrivit son premier roman en 1939. Mais pour ne pas fâcher son père qui trouvait son style « mauvais » et sa mère, protestante très austère, qui jugeait ses écrits immoraux, à une époque où le sexe était tabou, elle publia ses livres sous le pseudonyme d’Alice Rivaz.

C’était à la fois un hommage à Ramuz qui, bien que souvent considéré comme plutôt misogyne, l’a beaucoup soutenue (Rivaz et Ramuz commencent et finissent par la même lettre) et une référence à Lavaux, d’où venait sa mère très aimée. Après une longue éclipse littéraire, entre 1951 et 1959, où elle s’occupa de sa mère, devenue veuve et âgée, elle reprit sa vie d’écrivaine. Le thème principal de ses romans est la vie amoureuse des femmes, mais décrite par une femme, ce qui était assez nouveau. Elle raconte souvent des amours contrariées. Alice Rivaz a aussi voulu donner la parole aux humbles, aux défavorisés. Bouleversée par la guerre civile espagnole 1936-1939 et par la montée du nazisme, elle a intégré ses livres dans l’Histoire. Que montrent les quelques vitrines de la BCU ? Des livres et des lettres de l’auteure ou adressées à Alice Rivaz, sa machine à écrire, des photos illustrant plusieurs phases de sa longue vie, mais aussi des tableaux réalisés par elle, qui avait un joli coup de pinceau. Les personnes intéressées ne manqueront pas de voir et d’écouter l’interview vidéo que Mousse Boulanger a réalisée en 1983 avec elle. Alice Rivaz y raconte sa vie, ses amours avec leurs larmes, ses engagements politiques, avec beaucoup d’entrain et d’humour. Mais surtout, cette petite exposition devrait vous inciter à lire ou à relire ses romans, qui n’ont pas vieilli, par exemple La Paix des ruches, Comme le sable, Jette ton pain ou encore Le creux de la Vague.
« Alice Rivaz. Présence des femmes » Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, Palais de Rumine, jusqu’au 30 octobre



