Abbaye
Georges Pop | Dans le canton de Vaud, le mot abbaye est synonyme de société ou de fête de tir. C’est une singularité locale! Car en français, il désigne généralement un monastère. A l’origine, abba voulait dire père en araméen, la langue du Christ. Chez les premiers chrétiens, le terme prit très vite une connotation liturgique. C’est ainsi qu’on le trouve à trois reprises dans le Nouveau Testament: Epître de Marc chapitre 14, verset 36; Lettre aux Romains chapitre 8, verset 15 et Epître aux Galates chapitre 4, verset 6. Le terme fut aussi adopté par les Grecs puis pas les Romains. Au IIIe siècle, les Cénobites, moines fondateurs des premiers monastères d’Orient, donnèrent le nom d’abba au premier d’entre eux, considéré comme leur père spirituel. En Occident, il fallut attendre le haut Moyen Âge pour qu’apparaisse en latin ecclésiastique le mot abbatia pour désigner le supérieur d’un monastère puis, un peu plus tard, l’édifice et ses dépendances. C’est de là qui nous sont venus abbé, abbaye ou encore abbatiale. Dans certaines régions de France cependant, le mot prit parfois un sens assez inattendu. Ainsi, au XIVe siècle, une abbaye désignait de cas en cas non seulement un monastère, mais aussi… un bordel! En argot parisien au XIXe siècle, abbaye des s’offre-à-tous était du coup devenu l’équivalent de lupanar. Dans le canton de Vaud, les premières abbayes de tireurs (rien à voir avec ceux qui fréquentaient les maisons closes) apparurent dès la fin du XIVe siècle pour éprouver l’adresse des archers, puis des arquebusiers et enfin des carabiniers. Sous le joug bernois, elles furent même encouragées pour entretenir des réservistes bien entraînés mais aussi pour refroidir toute velléité séditieuse. Petite révolution en 1990 lorsque les abbayes vaudoises admirent pour la première fois des… tireuses! Depuis, les dames ont prouvé qu’elles étaient tout aussi douées et prompte à la gâchette que les messieurs… Pan!