Balade – A la découverte de Bulle
Un circuit historique à travers la ville
Pierre Jeanneret | Bulle, chef-lieu de la Gruyère, proche de notre district, est une ville un peu «mal aimée», y compris par une partie de ses habitants. Elle est trop souvent assimilée à son boom économique et démographique. Pourtant, la cité a de sérieux attraits à offrir, qui complètent ces hauts lieux touristiques de la région que sont le village médiéval de Gruyères, la fabrique de chocolat de Broc, ou encore le Moléson. La visite de Bulle mérite donc qu’on y consacre une petite journée. On commencera par le Musée gruérien, surtout depuis qu’une nouvelle exposition permanente, inaugurée en 2012, l’a complètement renouvelé. Créé en 1917, ce musée a longtemps été voué à l’exaltation d’un passé idéalisé et mythique. Or tant sa conception que sa présentation actuelles sont résolument modernes. Les objets présentés bénéficient d’une véritable scénographie. Si le bûcheronnage et le travail du bois ont longtemps occupé les bras, ils ont aussi menacé la Gruyère de déforestation! On verra de multiples exemples d’un artisanat à domicile aujourd’hui disparu: meubles, chapeaux et autres objets de paille tressés par les femmes et les fillettes, broderies pour trousseaux, etc. Quant au fameux gruyère, illustré notamment par la reconstitution d’une fromagerie d’alpage, on ignore souvent qu’exporté dans toute l’Europe, il a fait l’objet d’un véritable business. Mais bientôt apparaît l’ère des grandes industries alimentaires, attirées, il faut le dire, par les bas salaires locaux: Cailler à Broc dès 1898, Guigoz à Vuadens en 1915. Elles vont entraîner une profonde transformation économique et sociale de cette région fribourgeoise restée longtemps pauvre. Le musée n’occulte pas, d’ailleurs, les mauvaises conditions d’hygiène, ni la forte mortalité infantile, dans des familles où l’on comptait fréquemment plus de dix enfants. Cette pauvreté a entraîné l’émigration, notamment vers les Amériques, souvent aussi sous la forme du service militaire étranger, qui entraînait le mal du pays. Visuel, le Musée gruérien est également sonore: on peut y entendre de superbes – et émouvantes – interprétations des chansons de l’abbé Bovet et du Ranz des vaches, ce chant populaire en patois qui donne aujourd’hui encore la chair de poule. On raconte qu’il était interdit dans les régiments suisses au service du Roy de France, car il provoquait déprimes et désertions… La forte imprégnation religieuse n’est pas oubliée, dans la section «Sous le signe de la croix». Elle est illustrée par des ex voto (remerciements à la Vierge pour un vœu exaucé), des costumes de première communion ou de confirmation, et par toute une imagerie catholique un peu kitsch, dans le goût saint-sulpicien. «Diora, diora, fô poyé» (Bientôt, bientôt, il faut alper)Une place est accordée aux poyas, ces fameuses peintures représentant les troupeaux montant à l’alpage, avec leurs armaillis à bredzons. Or, sait-on que cette imagerie n’est pas si ancienne? Elle se multiplie surtout depuis la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque où le développement industriel menace ce mode vie rural séculaire. Les poyas ont joué leur rôle dans la construction d’une Suisse mythique de carte postale. Le Musée gruérien ne craint donc pas de jeter un regard distancié, voire critique sur le passé. Actuellement, et jusqu’au 21 avril, il présente une exposition temporaire dédiée à Louis de Boccard (1866-1956), explorateur fribourgeois, qui a laissé des centaines de photos de l’Argentine au début du 20e siècle, alors en plein essor, et du Paraguay.
Un circuit historique à travers la ville
On complètera la visite de ce fort intéressant musée par le circuit historique que la ville va créer, en s’accompagnant du dépliant Bulle à parcourir. C’est un parcours de deux kilomètres en 15 étapes (compter une bonne heure), presque toutes situées dans le quadrilatère qui constituait la Vieille Ville. Parmi les sites que nous vous laissons découvrir, mentionnons la chapelle Notre-Dame de Compassion, au somptueux chœur baroque, qui fut un lieu de pèlerinage très fréquenté aux 17e et 18e siècles; la statue de Nicolas Chenaux, qui prit la tête d’une grande révolte populaire en 1781; ou encore l’Hôtel Moderne de style Art Nouveau, construit en 1906 sur le modèle des palaces de Montreux et Lausanne, mais qui fit faillite après…dix-neuf mois. Bref, Bulle, centre agricole et de commerce depuis le Moyen Age, ville industrielle aujourd’hui, offre aussi de belles choses sur le plan culturel.