A Berne, des élèves de Puidoux s’attaques à la « Taxe rose »
Dans le cadre du projet national « Joue la politique ! », les élèves de la 11VP1 du Verney (Puidoux) ont investi, mardi et mercredi, la capitale. Après plusieurs semaines de préparation, ils ont défendu leur propre initiative en session parlementaire fictive au Palais fédéral. « Stop à la taxe rose », un texte imaginé en classe de français pour aborder égalité, argumentation et citoyenneté. Reportage.


Cette fois, ce n’est pas que pour renforcer l’allemand que des élèves vaudois ont pris la route de Berne, mais pour vivre de l’intérieur les rouages de la démocratie suisse. Après Oron l’an dernier, c’est au tour d’une classe de Puidoux de s’essayer à la politique nationale. Pour leur enseignante de français, Laurianne Burnier, cette immersion à des airs de madeleine de Proust. Car adolescente, elle avait elle-même participé à ce projet : « A ma connaissance, je suis la première ancienne élève à revenir ici en tant qu’enseignante », glisse-t-elle, amusée de retrouver la mécanique institutionnelle qui l’avait marquée.
Depuis la rentrée, ses élèves ont travaillé sur l’écriture citoyenne en français, formuler une idée pour la transformer en texte constitutionnel. Une quinzaine de périodes y ont été consacrées dans le but de créer un parti politique de toutes pièces. Le PPDP, pour Parti politique de Puidoux, a réalisé une vidéo de présentation et de multiples discussions pour trancher entre quatre thèmes pouvant devenir l’initiative qui sera débattue par les conseillers nationaux en herbes. « Stop à la taxe rose » a été retenue par votes en classe : « Un choix proche du quotidien et des besoins de chacun », explique Alexandra, une élève de Puidoux interrogée après le vote au Parlement.

promotionnel a été réalisé durant cette session parlementaire
Au-delà de la politique
Arrivés mardi 18 novembre au matin, les élèves des classes du Mont-sur-Lausanne, de Muri (AG), d’Oberdiessbach (BE) et de Puidoux, découvrent d’abord la Käfigturm. A la Tour de la démocratie, ils visionnent les quatre vidéos préparées par chaque classe et rejoignent les commissions mixtes, où se mélangent élèves romands et alémaniques. L’ambiance y est studieuse, mais la soirée à l’auberge de jeunesse, entre baby-foot et jeux, permet de briser la glace, ou certaines différences culturelles : « Ils sont aussi sympas que nous », sourit Maya, également écolière au collège du Verney. Ces contacts informels facilitent les débats du lendemain : la barrière linguistique s’estompe et chacun ose davantage défendre ses idées.
Mercredi, départ sous la Coupole, les élèves visitent les lieux, découvrent la salle du Conseil national et prennent la mesure symbolique de l’endroit. « C’est impressionnant de s’imaginer les vrais conseillers nationaux ici », avoue Alexandra. Un peu de trac, beaucoup d’excitation, puis tout s’enchaîne : les commissions présentent leurs rapports, les groupes parlementaires prennent position, le Conseil fédéral, incarné par la conseillère nationale Maja Riniker (AG), donne ses recommandations.
L’initiative de Puidoux ouvre les débats. Le texte vise à interdire toute discrimination de prix fondée sur le sexe ou le genre et à supprimer la TVA sur les produits menstruels. La commission reconnaît une inégalité réelle, mais propose un contre-projet plus ciblé. Dans l’hémicycle, la discussion met en lumière la complexité du sujet : données difficiles à comparer, conséquences économiques, faisabilité. Visiblement, rien n’échappe aux élèves passés par les commissions. « L’essentiel est repris dans le but d’égaliser les prix. Notre version allait peut-être un peu trop loin », analyse Elisa, après cette session de débat.
Au moment du vote, le verdict tombe : « L’initiative est refusée, mais le contre-projet est largement accepté ». Une approche plus pragmatique qui séduit l’hémicycle, même si, comme lors de la participation d’Oron l’an dernier, une forme de röstigraben plane dans la salle, les sensibilités varient sensiblement entre Romands et Alémaniques selon les sujets.
Leçon de démocratie accélérée
Trois autres objets ont ensuite été débattus par les élèves des différentes classes, l’occasion de mesurer encore une fois la distance entre une idée et sa faisabilité. A travers les prises de parole, les compromis proposés et les votes parfois serrés, les jeunes parlementaires d’un jour découvrent que la politique nationale avance rarement en ligne droite : « On se rend compte que quand nos parents votent, ce n’est pas juste un sujet au hasard qui est présenté dans les urnes », résume Maya, impressionnée par l’ampleur du travail en amont.
Pour certains, cette immersion a même réveillé une curiosité inattendue pour la chose publique : « Maintenant que je comprends mieux comment ça marche, je suis un peu moins imperméable à la politique », confie Elisa. Ce séjour permet aussi de démystifier la mécanique institutionnelle, rendant tangible ce qui reste souvent abstrait dans les manuels scolaires.
Lorsque l’heure de fin de session arrive, la fatigue n’altère pas la fierté. Les élèves repartent avec le sentiment d’avoir touché du doigt la mécanique de la démocratie suisse. « Ils ont vécu de l’intérieur ce que signifie débattre, convaincre et voter », explique Laurianne Burnier, heureuse de voir ses élèves franchir pour la première fois les portes du Palais fédéral.

« Joue la politique ! », c’est quoi ?
Joue la politique ! est un projet national d’éducation citoyenne destiné aux classes de 10e et de 11e de Suisse. Organisé par l’association Ecoles à Berne, il permet aux élèves de vivre une immersion de deux jours au cœur des institutions fédérales. Le principe, chaque classe crée son propre « parti
politique » ainsi qu’une initiative populaire fictive, rédigée comme un véritable texte constitutionnel. Les élèves préparent ensuite leurs arguments, réalisent une vidéo de campagne et se répartissent dans des commissions mixtes avec d’autres classes venues de toute la Suisse.


