Opinion
L’initiative des Jeunes socialistes rate sa cible

Rony de Sousa Lopes, Membre du comité JDC, Vaud, Etudiant IDHEAP | Le débat sur l’initiative des Jeunes socialistes (« initiative pour l’avenir ») mérite mieux que des slogans. On entend souvent : « Il n’y a plus d’argent, il faut arrêter de faire des cadeaux fiscaux aux riches. » Mais la réalité suisse est plus nuancée, et les solutions simplistes peuvent produire des effets contraires à ceux recherchés.
Commençons par les faits
La Suisse est un pays de producteurs. Près de 90 % des entreprises sont des micro-PME de moins de dix personnes. Elles constituent l’ossature de notre économie et fournissent la majorité des emplois. Notre prospérité dépend directement de ces structures, souvent familiales et ancrées localement. Ce modèle repose sur un équilibre subtil : une fiscalité attractive, un fédéralisme respecté et un dialogue social solide.
Or, l’initiative prévoit d’introduire un impôt fédéral de 50 % sur les successions de plus de 50 millions. Aujourd’hui, les impôts sur les successions sont cantonaux. Modifier ce principe fondamental reviendrait à centraliser un domaine que les cantons gèrent avec finesse, en fonction de leur tissu économique et social. Les partisans de l’initiative avancent deux arguments principaux.
Le premier concerne la lutte contre les inégalités. Il est vrai que la concentration du patrimoine augmente et que certaines familles disposent d’une richesse considérable. Mais l’initiative ignore une réalité essentielle : une grande partie des très grandes fortunes suisses est liée à des entreprises familiales. Imposer 50 % lors d’une succession peut forcer les héritiers à vendre des parts, voire à démanteler des entreprises qui ont parfois mis des décennies à se construire. Le risque n’est pas théorique : il toucherait directement les emplois, les investissements locaux et l’innovation.
Deuxième argument : financer la transition climatique. Personne ne remet en question la nécessité d’agir. Mais baser une stratégie climatique nationale sur une source de financement aussi instable qu’un impôt sur les grandes successions est hasardeux. Les recettes varient fortement d’une année à l’autre et dépendent… du décès de quelques individus. Est-ce un fondement sérieux pour une politique publique d’envergure ?
Les défenseurs de l’initiative répondent que seuls quelques ultra-riches seront concernés et que l’économie réelle ne sera pas touchée. Mais c’est précisément là que réside le problème : lorsqu’une fortune de plusieurs dizaines de millions est liée à une entreprise qui fait vivre une région, une taxation massive ne frappe pas seulement un héritier, mais tout un écosystème productif.
Bien sûr, certains redoutent également un exode fiscal. Ce risque existe, sans être certain. Mais il serait naïf de penser qu’une taxe fédérale de 50 % n’encouragerait pas certains à déplacer leur domicile ou leurs structures de succession. Moins de contribuables fortunés, ce sont aussi moins de recettes fiscales pour les cantons, moins d’investissements et, à terme, moins de moyens pour financer nos prestations sociales.
En tant que Jeunes du Centre, nous croyons à la justice sociale, mais aussi à la responsabilité économique. Réduire les inégalités, oui. Fragiliser les PME, affaiblir les cantons et menacer le tissu productif suisse, non. Pour un avenir durable, il faut des solutions équilibrées, pas des mesures idéologiques.


