Exposition – Le Vaudois de Paris de retour à Lausanne !
Tout Vallotton au MCBA
L’exposition du Grand Palais consacrée à Félix Vallotton, en 2013, avait conquis les Parisiens. Désormais, l’artiste lausannois naturalisé français en 1900 (tout en conservant sa nationalité suisse) fut définitivement considéré comme l’un des plus grands créateurs du tournant des XIXe et XXe siècles. L’homme est là, présent, au milieu de ses œuvres : comme Rembrandt, il a fait de lui de nombreux autoportraits tout au long de sa vie.
L’exposition du MCBA est exhaustive. La première salle nous montre brièvement les débuts de Félix Vallotton (1865-1925), encore marqués par le néo-impressionnisme. Puis, il adhère au mouvement des Nabis (« prophète » en hébreu), aux côtés de Pierre Bonnard, Maurice Denis et Edouard Vuillard. On découvre alors de belles scènes d’intérieur. C’est aussi l’époque où il peint de nombreux nus féminins, qui deviendront l’un de ses thèmes préférés. On sent l’influence de Cranach, mais les corps chez Vallotton sont plus « enveloppés ». A ce propos, on observe une évolution chez le peintre. Alors que ses nus sont longtemps froids et blancs, hiératiques, sculpturaux, dépourvus de tout érotisme, à un âge plus avancé de l’artiste ils gagnent en couleurs et carnation féminine.
N’oublions pas que Félix Vallotton fut d’abord connu comme graveur sur bois, technique qu’il a véritablement réinventée dès 1891. Dans ce domaine, il est un véritable génie, jouant avec les noirs et les blancs, l’ombre et la lumière. Il excelle à rendre les mouvements de foule. Ainsi, ces spectateurs les yeux levés vers un feu d’artifice. De sensibilité anarchiste, il montre dans une série de gravures les policiers chargeant des manifestants avec brutalité, sabre ou matraque au poing. Mentionnons une œuvre de taille modeste mais bouleversante, où l’on voit un pauvre hère traîné vers la guillotine, devant une escouade de gendarmes à cheval. Mais il y a aussi ces scènes intimes, souvent ambiguës, avec un riche bourgeois bedonnant et une belle jeune femme, sans doute une prostituée. Par sa maîtrise du noir-blanc, il réussit même à donner l’illusion des motifs et couleurs du tissu sur lequel est couchée une femme nue à la pose alanguie. Vallotton a aussi réalisé des gravures pour des journaux de tendance anarchiste et dreyfusarde, comme Le Cri de Paris et L’assiette au beurre.
Témoignent des multiples facettes du créateur son intérêt pour le monde du spectacle et du cirque, où il choisit de nous montrer plutôt les spectateurs ébahis ou enthousiastes, ou encore son goût pour la représentation de la mode féminine, avec les chapeaux extravagants de la Belle Epoque.
Au tournant du siècle, il choisit de se consacrer exclusivement à la peinture. A côté de ses nombreux nus, déjà évoqués, il réalise d’admirables paysages, souvent sur les bords de la Seine. Mais il rêve « d’une peinture dégagée de tout respect littéral de la nature », qu’il réinterprète et, d’une certaine manière, recrée en atelier. Il atteint le sublime avec ses paysages de mer au crépuscule, où le rayon de soleil d’un or éclatant se reflète dans l’eau.
En 1914 éclate la Première Guerre mondiale. Vallotton veut s’engager, mais il est considéré comme trop âgé. Il va alors représenter le conflit de manière allégorique et très francophile, comme le montre une toile géante où une sorte d’ange saisit à la gorge le démon germanique. Cela dit, ces grandes « machines » ne sont pas le meilleur de son œuvre…
C’est dans les dernières années de son intense vie créatrice qu’il atteint peut-être le sommet de son art. Que ce soit par ses natures mortes (fruits, légumes, fleurs), où l’on perçoit presque ce que sera la Nouvelle Objectivité dans les pays germaniques. Mais surtout par ses paysages apaisés, où le vert domine. On remarquera cette toile très synthétique où se succèdent horizontalement le vert des champs, le brun des buissons, la blancheur du sable sur lequel se déplacent deux petits personnages, enfin le gris-bleu de l’océan : quelle maîtrise dans la composition du tableau !
C’est à cette époque de la fin de sa vie, où il passe ses hivers dans le Midi, qu’il peut dire : « J’y ai retrouvé la possibilité d’être
heureux. »
« Vallotton for ever. Rétrospective »,
Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA),
Lausanne, jusqu’au 15 février 2026.







