Lavaux – Premières journées du Matrimoine
Dans la continuité des journées européennes du Patrimoine, qui ont eu lieu les 13 et 14 septembre, Lavaux Patrimoine Mondial (LPm) a organisé les premières journées du Matrimoine à Lavaux les 19 et 20 septembre dernier.

Directement inspirées des Sujettes, association dédiée à la mise en valeur du Matrimoine suisse, LPm a proposé au public de participer, gratuitement, à ces journées et de découvrir l’héritage des femmes dans l’histoire vitivinicole de Lavaux. Entre Rivaz, Cully, Puidoux et Chardonne, les différents événements proposés ont rencontré un joli succès. L’expérience sera vraisemblablement renouvelée, reste à savoir sous quelle forme.
Sous l’impulsion des Sujettes de Lausanne, l’association LPm a souhaité mettre sur pied les journées du Matrimoine. « On a eu vent de ce qu’il se passait à Lausanne avec les Sujettes et on a voulu s’inscrire pour un projet, mais elles voulaient rester sur Lausanne. Finalement on a décidé d’en organiser aussi. Ces journées font écho aux journées du patrimoine et notre but est de visibiliser le travail des femmes et d’éveiller les consciences. En tant qu’association pour le patrimoine, nous nous sommes dit qu’il y avait quelque chose à faire », explique Jeanne Conthay, cheffe de projets chez Lavaux Patrimoine mondial et initiatrice du projet.
Ainsi, les gens avaient la possibilité de s’inscrire à différents événements sur les deux jours, entre balades commentées, explications du rôle des femmes dans l’histoire vitivinicole et moments d’échanges avec des femmes qui gravitent dans un monde plutôt masculin. Pour cette première édition, des guides de LPm étaient présentes pour les balades commentées à Rivaz, Cully et Chardonne, avec un contenu très varié. « On a remarqué qu’on avait pas mal de matière sur l’histoire des femmes à Lavaux, on a compilé ce qu’on avait à disposition et on a demandé aux guides de s’approprier le contenu », explique Jeanne Conthay.
Devoir de transmission
Le but premier de ces journées du Matrimoine était de donner la parole et de mettre en lumière des femmes contemporaines, qu’elles soient vigneronnes, forgeronnes ou présidentes de sauvetage. En effet, au fil des siècles les femmes ont été invisibilisées de l’héritage culturel, comme le mentionne le rapport annuel des Sujettes : Matrimoine, n. m. : désignant en ancien français les biens hérités de la mère (matrimonium en latin), ce mot a disparu au fil des siècles, avec l’effacement des créatrices de l’histoire culturelle. Aujourd’hui, le terme revient au cœur du débat grâce à l’expression matrimoine culturel, désignant les biens matériels et immatériels transmis par les femmes – et trop souvent oubliés.
Durant le week-end, les participants ont pu rencontrer Bertille Laguet, forgeronne à Puidoux qui a directement accepté d’ouvrir les portes de sa forge. « Je n’avais jamais entendu parler de ces journées et pourtant c’est un sujet qui me tient à cœur. J’ai travaillé pendant un an sur une exposition, inspirée des poèmes de Virginia Woolf, sur les transmissions entre femmes. Donc quand Jeanne m’a proposé de participer, cela a vraiment résonné en moi, par rapport à mon engagement sur les représentations. Ces journées rendent la visibilité possible et si je peux semer les graines chez d’autres femmes, c’est très bien ».
Rencontrer et échanger
Chez Christelle Conne, vigneronne à Chexbres, cette journée était l’occasion d’ouvrir sa cave durant les vendanges et de partager une partie de son parcours. Reprendre une cave, datant du 15e siècle, généralement transmise de père en fils a représenté un très beau challenge. Elle a aussi partagé sa nomination à la Confrérie du Guillon, faisant partie des trois premières femmes conseillères. « C’est une grande fierté pour moi, j’ai été très bien accueillie et je me sens à ma place. C’est des années de discussions à la Confrérie, c’était donc un peu plus facile car le chemin était déjà fait de leur côté ».
A Rivaz, Safrane Meyer a pris le temps de répondre aux questions sur son rôle de présidente du Sauvetage de Rivaz et ancienne viticultrice à Lavaux. « Je suis dans deux milieux très masculins et il faut souvent prouver que l’on est capable. En écho au matrimoine, c’est beau de voir des pères transmettre leurs domaines et pour la majorité, ils sont fiers de cela. Il faut aussi se dire que nous ne sommes pas moins capables que les hommes, mais nous n’avons pas les mêmes corps et nous devons réfléchir différemment pour préserver notre santé ».
Parmi les personnes présentes, même s’il y a majoritairement des femmes, quelques hommes sont présents, dont Laurent qui a participé à la balade commentée à Rivaz, « je suis le papa de trois filles et l’heureux époux de ma femme. Notre fille travaille pour Lavaux Patrimoine et c’était important pour nous de venir et d’avoir l’éclairage d’une guide sur cet héritage ».
Tous les événements proposés durant le week-end ont affiché complets avec plus d’une vingtaine de participants, de quoi ravir Lavaux Patrimoine mondial. « Cette première édition était exploratoire, mais notre but est de pérenniser l’événement, reste à voir sous quelle forme », conclut Jeanne Conthay.