La petite histoire des mots
Bloquer

L’appel à « bloquer la France » le 10 septembre prochain prend de jour en jour de l’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux d’où il est parti. Ce mouvement, porté au commencement par un groupuscule souverainiste nommé « Les essentiels », a vu ses rangs grossir avec le ralliement d’autres collectifs inspirés des Gilets jaunes, ainsi que de l’agité Jean-Luc Mélenchon, messie de la France insoumise qui, avec d’autres, veut à tout prix faire chuter le gouvernement de l’austère et soporifique centriste François Bayrou dont le sort se jouera d’ailleurs deux jours plus tôt au parlement.
Pour en venir à « bloquer », ce verbe peut avoir plusieurs significations. Dans le cas présent, il signifie bien « immobiliser », « paralyser », « endiguer », voire « assiéger ». Mais dans d’autres contextes, il peut vouloir aussi dire « amasser », « entasser », « réunir en bloc », etc.
A l’origine de ce terme, on trouve le substantif « bloc », issu du vieux néerlandais « blok » qui désignait un « tronc » ou une grosse « bûche », lui-même dérivé du vieux germanique « blukka » qui avait le même sens. En français, ce terme est attesté dès le XIIIe siècle. Il a d’abord désigné un « tronc », taillé dans une bille de bois, utilisé pour collecter les aumônes. De là, il a évolué pour signifier une masse compacte, de bois ou de pierres par exemple, ou, au sens figuré, un rassemblement de personnes.
C’est au XVe siècle qu’apparaît en français le verbe « bloquer », d’abord dans le sens de « consolider avec de la pierraille » puis, plus tard, dans le langage militaire, dans celui d’investir une place en la cernant par un « blocus », terme lui aussi issu du néerlandais « blok ». Presque simultanément, apparût le mot « bloccage » qui, avant d’évoluer, définissait un « massif de matériaux qui remplit les vides entre les deux parements d’un mur ». C’est enfin à partir du XVIIe siècle, que le verbe « bloquer » commença à être utilisé pour dire « faire obstruction » et le substantif, « blocage » débarrassé d’un « c », dans le sens qu’on lui connaît.
Certains ont soupçonné la Russie d’être derrière le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre. Il semble bien que ce ne soit pas le cas ! Néanmoins, il apparaît que des sites russes et même iraniens ont très opportunément amplifié l’appel au « blocage », afin d’aggraver la crise politico-économique dans laquelle le pays est embourbé. Selon une enquête, quelque 15 % des Français les consultent régulièrement. Les syndicats ont appelé à la grève le 18 septembre pour se dissocier de la notion de « blocage » à laquelle ils disent ne pas adhérer.
Pauvre France ! Certains évoquent déjà, un peu prématurément sans doute, une mise sous tutelle du FMI de notre grand voisin dont la dette semble devoir s’emballer au point de devenir incontrôlable. On ne va pas s’en réjouir, les conséquences pouvant être socialement et économiquement désastreuses, bien au-delà des limites de l’Hexagone.