Puidoux – Panne à la centrale à bois : gaz à tous les étages
A Puidoux, la centrale à bois de Romande Energie n’a rien brûlé durant tout l’hiver. Pourtant pensée comme un modèle de durabilité et d’écologie, l’infrastructure devait valoriser la filière bois locale tout en chauffant bâtiments et logements. Mais une panne persistante a mis le système à l’arrêt. En attendant, c’est le gaz qui a pris le relais.

A première vue, rien n’a changé pour les bâtiments communaux raccordés au chauffage à distance (CAD) de Puidoux. La chaleur continue d’arriver dans les radiateurs. Pourtant, depuis novembre 2024, la centrale ne brûle plus un seul copeau de bois, puisqu’elle fonctionne exclusivement au gaz. La faute à un composant clé, l’échangeur de chaleur principal, qui a rendu l’âme bien trop tôt. Cette pièce de métal devait tenir 15 ans, elle en aura fait que sept. Résultat des courses, l’ouvrage fonctionne en « mode dégradé » et la réparation prendra entre 6 et 9 mois, car la pièce défectueuse doit être refabriquée sur mesure. Réouverture prévue à la fin de cette année.
Une panne anticipable ?
Cette défaillance aurait-elle pu être anticipée ? Romande Energie, responsable de l’installation, mène une analyse technique avec le fournisseur du matériel, mais les conclusions n’ont pas encore été rendues publiques. En attendant, c’est elle qui assume les surcoûts liés à l’utilisation du gaz. Si les usagers n’ont vu aucune différence sur leurs factures, la situation pourrait, à terme, impacter indirectement les finances publiques. Pour l’heure, la question de la transparence budgétaire reste en suspens.
Du côté de la commune de Puidoux, cette dernière n’a pas été officiellement informée de la panne. Interrogée, la Municipalité assure qu’il s’agit d’une affaire privée et qu’elle n’a été, ni consultée, ni impliquée. Pourtant, plusieurs bâtiments communaux, dont une salle de gym triple, le collège du Verney et la buvette du foot sont raccordés à la centrale.
Une filière à l’arrêt
Cette panne dépasse largement les murs de la chaufferie. Elle touche de plein fouet la filière bois locale. « Je regrette que cette matière première ne soit pas mieux valorisée », confie Daniel Ruch, fournisseur de bois pour la Romande Energie. Selon lui, ce dysfonctionnement pénalise toute la filière : « Il n’y a pas que les fournisseurs de bois, mais aussi les entreprises qui sont responsables de la gestion, comme le transport de bois par exemple ». Aujourd’hui, ce sont des milliers de mètres cubes de bois qui stagnent en forêt. « Nous avons 5000 m³ (env. 7 terrains de foot) de bois stockés, parfois déplacés inutilement, ce qui génère des coûts supplémentaires », poursuit-il avant de s’étonner du temps que prend la réparation : « En tant qu’entrepreneur, je ne comprends pas que cette pièce prenne autant de temps pour venir, alors que des entreprises helvétiques sont en mesure de la fabriquer ». Il conclut malgré tout sur une note positive : « Il faut dire que, quand la centrale fonctionne, c’est super. »
Le bois, pourtant coupé selon les quotas durables des forêts communales, s’accumule au bord des chemins et se dégrade. Abandonnés plusieurs mois sur place, certains tas deviennent de véritables refuges pour la microfaune : insectes, amphibiens et petits mammifères s’y installent, transformant ce bois inutilisé en biotope fragile. « On ne peut plus les broyer sans risquer de détruire tout un écosystème », explique Marc Rod, garde-forestier du groupement Broye-Jorat. Une situation d’autant plus frustrante qu’elle entrave la suite du travail : « En temps normal, ce bois doit être broyé pour être transformé en plaquettes forestières dans les trois à six mois après la coupe. Maintenant, il est gorgé d’humidité, perd de sa valeur énergétique, et n’est plus vendable », s’alarme-t-il. « Et pendant ce temps, on ne peut pas continuer nos coupes d’éclaircies, pourtant cruciales pour la santé des forêts face au changement climatique. »
Certains forestiers dé-noncent une logique de rentabilité contraire à l’idée d’une énergie durable : « Peu importe le fournisseur d’énergie, leur objectif est de faire de l’argent. Si le gaz est moins cher, ils vont l’utiliser, pareil pour le mazout », résume Arthur*, garde-forestier indépendant. « Le bois, c’est surtout bon pour redorer leur image. »
Pas uniquement à Puidoux ?
Une rumeur de panne court également sur la centrale de Charmey, dans le canton de Fribourg. Cette dernière a connu plusieurs interruptions ces dernières années, nécessitant le recours à un chauffage d’appoint au mazout. Contactés, les services forestiers de Charmey n’ont pour l’heure pas répondu à nos questions. A Châtel-Saint-Denis, toujours dans le canton de Fribourg, la centrale de chauffage à bois à distance est de son côté en activité.
Et maintenant ?
Romande Energie annonce une remise en service de la centrale de Puidoux pour la fin 2025. En parallèle, une étude d’optimisation de l’échangeur est en cours, et des pistes de modernisation plus larges sont explorées. Reste qu’en cas de nouvelle panne ou de stratégie fluctuante, c’est toute la chaîne locale, des bûcherons aux collectivités publiques, qui pourrait se retrouver à nouveau gelée.
Alors que les discours vantent la durabilité, cette panne met en lumière la fragilité d’un système pourtant pensé comme modèle. Et pose une vraie question : peut-on encore parler de valoriser la filière bois locale, alors que le gaz a pris la relève durant tout l’hiver ?
