Les voiliers au patrimoine lémanique
Christian Dick | Un 30m² suédois des années vingt qui vient passer un été sur le lac n’appartient pas au patrimoine lémanique malgré ses longs élancements, son statut de série olympique et la finesse de ses lignes. Mais le même voilier qui aurait concouru durant son siècle d’existence sur les tous les plans d’eau du lac, qui aurait laissé admirer ses lignes tendues et ses voiles auriques de Genève au Bouveret, aurait inscrit son nom au palmarès des belles régates, trouverait assurément sa place dans le cœur des amoureux et des défenseurs du patrimoine.
On le voit, la notion de patrimoine est subjective
On se retourne volontiers au passage d’une ancienne Corvette ou sur le bruit rauque de son puissant moteur V8. Importée, elle n’appartient pas à notre patrimoine. Mais la même, du nom du célèbre constructeur chaux-de-fonnier Louis Chevrolet, qui a participé à plusieurs reprises aux 24 Heures du Mans pour l’écurie suisse Filipinetti, à quelques courses de côte ou à des concours d’élégance, peut vraisemblablement prétendre au titre de véhicule au patrimoine. La notion est toujours subjective. Mais on ajoute à la localisation, le lac Léman, la performance liée à notre identité. Le Service des automobiles donne un semblant de définition en introduisant des règles d’expertise différentes pour les véhicules à moteur de plus de 30 ans (catégorie « vétéran ») dont pourrait s’inspirer le service de la navigation.
Après la performance, voici donc un autre critère, l’ancienneté
On se rapproche peu à peu d’une définition du patrimoine. C’est intimement lié à la localité, au palmarès et à l’ancienneté. On peut dire, en reprenant les exemples du 30m² suédois ou de la Chevrolet Corvette, bien qu’ils aient été construits à l’étranger, qu’ils donnent du patrimoine une définition claire. Mais pas toujours ou pas seulement. Alinghi, par exemple, exposé au Musée des Transports à Lucerne jusqu’en octobre dernier, peut prétendre au titre de voilier du patrimoine lémanique. Ce voilier portant le numéro 100 a gagné, on le rappelle, la Coupe de l’America à Valence en 2007, avec toute la technologie et le savoir-faire d’entreprises locales. On s’éloigne un peu de l’ancienneté liée au terme de patrimoine. Mais alors ? A la performance on ajoute la modernité, pour autant qu’elle soit locale, en l’occurrence lémanique, mais surtout l’unicité.
C’est une autre notion du patrimoine, toujours aussi intéressante mais qui ne fait pas forcément l’unanimité.
Mais gageons que si le voilier 100 tombait dans l’abandon, il se trouverait un comité, une équipe ou une fondation pour le rapatrier et le restaurer comme on l’a vu faire pour le sous-marin Mésoscaphe. Conçu par Auguste Piccard et construit par son fils Jacques, celles et ceux qui l’ont vu en 1964 lors de l’Exposition nationale suisse s’en souviennent. Ce submersible expérimental repose également au Musée des Transports à Lucerne.
Le succès ou la notoriété participe aussi à la notion de patrimoine. La notion est de moins en moins subjective.
La Vaudoise, qui sillonne les eaux de notre lac, est indiscutablement un objet du patrimoine nautique d’ici. Son ancienneté, son histoire en sont-elles à l’origine? C’est ce qu’on croit. Mais la grande majorité des éléments qui le composent aujourd’hui ont été remplacés. Ils sont neufs. D’origine, il ne reste plus grand-chose. L’affectation même a changé. Alors?
C’est discutable, mais c’est aussi de beauté qu’il s’agit. Une Corvette, un 30m², La Vaudoise et Alinghi sont de magnifiques objets. Dans le domaine de la voile, on doit de superbes lignes à des architectes navals suisses comme Henri Copponex, auteur de centaines de plans dont les Lacustre, des 15m² SNS, des 5.5 Mètres et bien d’autres, ou à Bernard Dunand, autre régatier et architecte, et bien d’autres encore.
Fin de première partie (1/2)
Bonne consultation.
Bon vent, heureuse nouvelle année à toutes et à tous
Voici encore quelques sites utiles :
www.museeduleman.ch
www.fondationbolle.ch
www.patrimoine-leman.ch
www.inventairebateauxduleman.ch


