Cinéma – Berlinale dominicale

La 75e édition de la Berlinale a commencé jeudi passé. Chaque jour, la très belle salle Delphi, à Charlottenburg, accueille les premières de la catégorie Forum. Ce dimanche, Veronica Nicole Tetelbazm présentait son magnifique film « Batim ».
Il pleut sur Safed, comme le montre un long et large plan fixe qui plante le décor au début de Batim. Et puis, une voiture blanche entre dans le champ : Sasha arrive, il est sur le chemin du souvenir. Comme un saumon, il remonte la rivière pour revisiter les lieux qui l’ont vu grandir. Dans une première maison, les images tellement larges qu’elles déforment un peu les verticales laisserait presque croire à une caméra de surveillance. Le noir et blanc participe de cette impression, mais pas la rigueur et la finesse des cadres en format 4/3. Dans ce lieu flottant et abandonné où Sasha retrouve, dans une ventilation, ses journaux d’enfant, s’allume soudainement une télévision révélant les images de son enfance. Cette vidéos VHS inaugure un récit entre passé et présent qui s’explicite petit à petit par ces vidéos d’archive en couleur. Elle montre Sasha enfant, face à un beau-père qui lui dit « regarde-moi quand tu lis ». En un contre-message (puisque lire en regardant quelqu’un est impossible), et un livre jeté sur le sol se révèle un lien traumatisant que le protagoniste redécouvrira petit à petit. Le souvenir est ainsi matérialisé dans Batim par une double écriture du passé : celle intime du journal, et celle terrible des images vidéo. Par ce passé qui remonte, le récit lent et gracieux gagne en tension. Les images lentes ne sont ainsi jamais ennuyantes.
Alors qu’il remonte dans sa voiture, une cafetière posée sur le pare-brise signale que Sasha dort dans sa voiture. Plus tard il dira qu’il est et vit « entre des maisons ». Le film de Veronica Nicole Tetelbaum parle ainsi de tous ceux et celles qui se sentent dans un entre-deux, comme elle le dit à l’issue de la projection avec beaucoup d’émotion dans la voix.