Lavaux – Un Plant nommé Robert
Au pays du roi Chasselas, il existe un autre cépage emblématique. Témoin vivant de l’histoire viticole de la région, ce cépage incarne la richesse du terroir et la passion des vignerons locaux.
Texte et photos Justine Brand | Avec ses notes épicées, voire poivrées et sa robe aux notes de fruits rouges et cerises noires, on le connaît sous le nom de Plant Robert, Robez ou Robaz, qui signifie Plant Dérobé.
Une histoire et une culture profondément enracinée
Fort d’une histoire de plus de 500 ans à Lavaux, le Plant Robert s’est très bien adapté au terroir régional. Toutefois, il a failli disparaître du paysage, Blaise Duboux, président de l’Association Plant Robert, explique « Dans les années 60, on consommait beaucoup de Chasselas et très peu de rouge, donc il y avait très peu de vignes de Plant Robert. Ensuite, il y a eu le tracé de l’autoroute prévu à travers les vignes de Plant Robert. Pour éviter qu’il ne disparaisse complètement, Monnier et Chollet, de Cully, ont décidé de recréer des greffons ailleurs. C’est pour cela qu’on dit qu’il a été sauvé ».
Cousin du Gamay, le Plant Robert est issu d’une sélection massale, Basile Monachon, membre de l’association explique « On va aller chercher les greffons dans les parcelles originelles et les multiplier. Le fait de se servir de ce matériel végétal et multiplier les sarments permet de garantir la qualité et l’authenticité ». Autre avantage de cette sélection massale est la propagation des maladies : « Le Plant Robert n’est pas résistant, mais il est bien adapté aux potentielles maladies de la vigne. Par exemple sur une vigne clonée, s’il y a une maladie, c’est toute la vigne qui meurt. Avec une sélection massale, ce sont plusieurs individus, il y a donc moins de risques » rajoute Blaise Duboux.
Défendre les intérêts du Plant Robert
Afin de défendre et d’illustré le Plant Robert, une association du même nom a été créée en 2002. Dès le millésime 2006, elle a mis en place un cahier des charges, garant de la qualité du vin.
Sur la base de ce cahier des charges, les producteurs, faisant partie de l’association, sont certifiés par l’OIC (Organisation intercantonal de certification). « C’est le premier vin en Europe qui a une certification de traçabilité, de la parcelle où sont prélevés les greffons à la bouteille » se réjouit Blaise Duboux.
Si le vin produit répond aux exigences du cahier des charges et de l’OIC, il peut porter la languette millésimée, qui scelle le col. Au contraire, si le producteur n’arrive pas à remplir les critères demandés, il ne pourra pas utiliser la languette et devra représenter son vin l’année suivante. Blaise Duboux et Basile Monachon admettent que « la certification OIC est très contraignante et onéreuse, mais c’est une garante de la qualité du vin ».
Ainsi, un producteur qui souhaite se lancer dans la production du Plant Robert, avec la certification OIC, devra se montrer ambitieux. En effet, Basile Monachon explique : « c’est un cépage qui correspond très bien au terroir, mais il est difficile à cultiver et difficile à vinifier. Il faut être passionnés ». Il est rejoint dans son discours par Blaise Duboux, qui ajoute : « vu les contraintes, ce n’est pas pour tout le monde. Il faut maximum 900 grammes par mètre carré, pas plus de 70 % transformés en vin et une densité fixée à 7500 pieds par hectare. »
Toutefois, ces contraintes peuvent être vues comme un challenge, comme le mentionne Basile Monachon. « Il est exigeant au niveau viticole, mais ce n’est pas un frein, bien au contraire. Il y a des choses intéressantes dans ce cépage ».
Actuellement, l’association compte une quinzaine de membres pour environ 5 hectares de Plant Robert certifiés.
Sortir de Lavaux
Véritablement ancré dans le paysage de Lavaux, le Plant Robert reste toutefois un vin de connaisseur. Comme Basile Monachon l’explique : « c’est un produit rare, c’est un vin particulier avec une histoire de terroir. Mais c’est vrai que pour les nouveaux consommateurs ce n’est pas dans le top du vocabulaire ».
Pour pallier ce manque de connaissance au-delà de Lavaux, l’association œuvre pour organiser des événements autour du Plant Robert et créer des synergies avec d’autres associations.
Tout d’abord avec le Cully Bazar, qui aura lieu le 3 décembre prochain à Cully. Pour Blaise Duboux : « c’est un événement pour les gens d’ici. Les aficionados viennent déguster les Plant Robert certifiés ».
Puis, grâce à l’élection du meilleur Plant Robert et l’événement « Quel Plant Robert. » Un jury, entre 5 à 7 personnes (chef, dégustateurs et journalistes) dégustent les Plant Robert qui ont la languette, puis ils en choisissent cinq (en 2023, ils ont dégusté les Plant Robert 2021). Ensuite, il est possible de s’inscrire pour faire partie du jury tout public et élire, parmi les 5 finalistes, le meilleur Plant Robert. Pour Blaise Duboux, cet événement est important car « pour le jury on cherche aussi des personnes externes à la région. Pour la dernière élection, on a invité des journalistes suisses allemands. C’est comme cela que l’on pourra sortir des frontières vaudoises ».
Finalement, la connaissance et reconnaissance du Plant Robert passe aussi par les partenariats. Blaise Duboux explique « on est partenaires Slow Food depuis 15 ans. On fait partie de l’Arche du Goût et cela nous fait aussi sortir des frontières. Pour l’anecdote, à la dégustation des Plant Robert, il y a eu des membres des Pyrénées orientales qui sont venus juste pour faire la dégustation ».
Un vin ambitieux
Lorsqu’on lui demande comment il voit l’avenir du Plant Robert, Basile Monachon sourit : « je n’ai pas de boule de cristal, mais il ne va pas disparaître et il n’est pas condamné non plus car il est résilient avec le changement climatique. Il y a de plus en plus de domaines à Lavaux qui cultivent du vin rouge. Donc, pour un producteur qui a de l’ambition dans la culture du vin rouge, le Plant Robert est intéressant ».
Un vin cultivé par des passionnés, pour des passionnés, mais qui a l’ambition de s’ouvrir au monde.