La petite histoire des mots
Bluff

Menace qu’il faut prendre au sérieux ou simple coup de bluff, la Russie de Vladimir Poutine a récemment annoncé qu’elle allait déployer des armes nucléaires en Biélorussie, avec la bénédiction du président Loukachenko. Des doutes subsistent évidemment sur les intentions réelles du maître du Kremlin. Les experts militaires restent cependant plus que sceptiques sur la volonté des Russes de recourir un jour à l’arme atomique pour se sortir du pétrin ukrainien.
Voilà qui nous amène au mot « bluff », très familier chez les joueurs de poker, ce qui n’est pas fortuit. Emprunté à l’argot anglo-américain « to bluff » ce terme est attesté dans le dictionnaire de l’Académie française dans le sens de « jeu de poker », dès 1845, puis dans celui d’ « action visant à tromper l’adversaire à ce jeu », à partir de 1879. Le verbe « bluffer » fit son apparition quelques années plus tard, pour désigner une attitude fanfaronne, dans le but de faire illusion sur le véritable état d’une situation.
A l’origine, le « bluff » était intimement lié au jeu de poker, issu de nombreux jeux antérieurs, parfois très anciens. Le poker a pris sa forme définitive au XXe siècle aux Etats-Unis. Il doit probablement son étymologie au jeu français « poque » (« poquer » signifiant frapper) ou au jeu allemand « pochen » (battre), tous deux introduits en Amérique par des immigrés du Vieux Continent. L’anglo-américain « bluff », quant à lui, serait très probablement issu du néerlandais « bluffen » qui veut dire « se vanter », lui-même dérivé du substantif « bluf » qui signifie « vantardise », termes proches de l’allemand « verblüffen » qui signifie « surprendre » ou « étonner ».
Pour tenter d’identifier les « bluffs », les joueurs de poker professionnels, qui misent de grosses sommes, portent une attention toute particulière aux signes, aux gestes, ainsi qu’aux mimiques de leurs adversaires. Ces signes sont appelés « tells ». Ce terme, propre aux joueurs de poker, désigne l’ensemble des indices qui permettent d’identifier le coup de bluff d’un joueur. Les « tells » vont d’un mutisme soudain au tripotage compulsif des jetons, etc. Il paraît qu’il est facile de « fermer » l’expression d’un visage. En revanche, il est plus difficile de maîtriser ses mains ou ses pieds. Un tremblement, une hésitation, un mouvement répété peuvent être le signe d’un « bluff ».
On est en droit de supposer que les services secrets occidentaux ont des experts en « tells » qui observent scrupuleusement Vladimir Poutine lors de chacune de ses « menaçantes » interventions publiques, pour traduire son langage corporel et en déduire ses intentions et la force ou la faiblesse de son « jeu ».


