Cinéma – Du local aux Oscars
« Olga » de Elie Grappe

Charlyne Genoud | Passionnée et talentueuse gymnaste, Olga est née d’un père suisse et d’une mère ukrainienne. En danger à la suite des activités politiques de sa mère qui est journaliste et active dans la révolution, Olga part en Suisse, où elle rejoint l’équipe nationale.
De Cannes à Oron
Après l’avoir révélé à Cannes cet été, le réalisateur Elie Grappe présentait mercredi passé son film « Olga » au cinéma Astor de Vevey, ainsi qu’il le fera mercredi prochain au cinéma d’Oron. Après cette halte, « Olga » se mettra en route pour les oscars. Une affaire à suivre donc, que cette fiction qui, plus que toute autre frise le documentaire. D’abord dans l’approche du sujet que décrit Elie Grappe, puisque le réalisateur raconte avoir été écouter des heures durant la mélodie de la gymnastique, dans les locaux de l’équipe suisse où il a ensuite tourné. Cette documentation sur le sport est secondée par des recherches approfondies sur le contexte politique avec lequel il voulait tisser un lien, à savoir Euromaïdan, la manifestation ukrainienne de 2013. Deux réalités que réunit le scénario d’Elie Grappe, et qui sont relayées par l’actrice non professionnelle qu’il choisit pour incarner la protagoniste: Anastasia Budiashkina, un choix de distribution qui ressemble à celle d’un documentaire. Cette gymnaste professionnelle est filmée dans les vrais locaux de l’équipe suisse, alors qu’elle se transforme petit à petit en coureuse helvétique, arborant le rouge et délaissant le bleu. Est documentaire finalement, semble-t-il, cette observation de l’esthétique de la gym, que le film met en valeur et souligne par l’image comme par le son. Montrer des sauts qui parfois se concluent par des pas de danses joyeux ou colériques, des chutes ou des cris. Ce qui succède au jagers très mécanique et millimétré qu’essaie de poser Olga c’est le contraire, la perte de contrôle du corps, le lâcher prise.
De la place Maïdan au gymnase
« Olga » est le récit d’un entraînement athlétique sur lequel se calque le rythme du film en prenant pour apogée le championnat européen. Le spectateur est pétri par les entraînements qui précède cette acmé, pour saisir les enjeux des joutes. Toutes les scènes mènent ainsi au championnat dans le scénario, dans lequel chaque nation arbore sa couleur et toise celle des autres dans cette drôle d’Europe miniature qu’est le stade. Tous les pays se retrouvent, pour écrire l’histoire d’une Europe réunie dans les jeux, mais profondément déconnectée en termes de politique, chacun retournant après ces quelques heures compétitives à sa réalité profondément différente de celle de son voisin. « On fait du sport, pas de la politique » dira l’ancien entraineur d’« Olga » avant de se faire insulter : il a rejoint le camp russe après avoir abandonné l’équipe ukrainienne.

Fenêtre sur l’Ukraine
Elie Grappe et sa scénariste Raphaëlle Valbrune-Desplechin semblent être de fin·e·s conteur·euse·s d’histoire, qui savent rendre accessibles des réalités qui nous échappent parfois, que l’on ne comprend pas ou qui nous restent étrangères. Il en va ainsi de la culture ukrainienne qu’il choisit de représenter par ce personnage ukraino-suisse. « Olga », par son histoire, établit en effet un pont entre les deux pays. Le traitement de la traduction dans certaines séquences du film est, à cet égard, passionnant puisqu’il met en scène ce que le film fait à grande échelle: traduire des réalités profondément opposées. Le film montre une gymnaste qui s’adapte à une vie en Suisse pour suivre sa passion, et dans la monstration de cette adaptation le film nous ouvre une fenêtre sur l’Ukraine et sur ce que quitter un pays en pleine crise peut représenter. Sous couvert de terrains connus, les jeux olympiques, la gymnastique et la Suisse, des autres mondes s’ouvrent à nous et nous permettent de réellement les saisir.
« Olga » de Elie Grappe, 2021 – Première en présence du réalisateur mercredi 24 novembre à 20h, à Oron


