Coronavirus
Thomas Cramatte | L’épidémie de Coronavirus continue de faire trembler le monde entier. Relayée par de nombreux médias depuis le mois de décembre dernier, une véritable psychose tourne autour de cette maladie. Exagération du souci pour les uns ou future pandémie pour les autres, le professeur Gilbert Greub, habitant Savigny, et directeur de l’Institut de microbiologie du CHUV à l’Université de Lausanne, le Dr Karim Boubaker, médecin cantonal et le Dr Roland Sahli, ancien virologue, nous apportent des précisions au sujet de ce fameux virus à couronne dénommé 2019-nCov.

Bilan
Le site internet de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) présente l’avancée du virus en temps réel. Au plan international, c’est plus de 40’000 infections qui ont été confirmées et 910 décès. Les cas d’infections sont principalement situés en Chine, mais une personne est décédée aux Philippines et une autre à Hong Kong. Dans le monde, une trentaine de pays sont touchés. En Europe, des cas ont été signalés en Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Russie et Suède, annonce l’OFSP. Depuis le 30 janvier 2020, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a déclaré que l’épidémie du coronavirus constitue une urgence de santé publique internationale. Des mesures destinées à freiner la propagation du virus ont été engagées : renforcer la coordination internationale, assurer un échange transparent d’informations et dégager des ressources supplémentaires.
SRAS et Coronavirus : quelles différences ?
« Les infections respiratoires bénignes liées aux coronavirus sont dues à l’une ou à l’autre de quatre espèces de coronavirus qui circulent dans la population humaine depuis des milliers d’années. L’homme et ces virus ont évolué de manière à, respectivement, résister à l’infection et se multiplier sans décimer leur hôte » explique le Dr Roland Sahli. En d’autres termes, nous vivons avec ce genre de virus depuis de nombreuses années. Ils sont responsables de 10 à 30% des infections respiratoires chez l’homme. Comme le virus de la grippe, ils sévissent sous nos latitudes principalement en hiver. Similaires à un rhume ou à un état grippal, la grande majorité des infections sont donc bénignes, voire même inapparentes lorsqu’elles sont confinées aux voies respiratoires supérieures. Dans de très rares cas, l’infection peut toucher les poumons et entraîner une pneumonie sévère, en particulier chez les personnes âgées ou les personnes ayant une pathologie préexistante, comme une immunosuppression, du diabète ou une affection cardiaque. Tandis que le premier coronavirus bénin a été identifié dans les années 1960, trois nouveaux coronavirus associés à des maladies très sévères ont été découverts récemment depuis l’apparition du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), également en Chine, à fin 2002. Pour rappel, ce virus encore inconnu pour l’époque avait fait près de 800 morts. Heureusement, aucun nouveau cas n’a été enregistré dans le monde depuis mi-2004. « La sévérité des maladies causées par les récents coronavirus, SARS-CoV et 2019-nCoV, est liée à l’origine animale de ces virus et à leur introduction récente chez l’homme sans chance de coévolution telle que celle observée avec les coronavirus associés aux maladies bénignes » précise le Dr Roland Sahli. « On parle de virus émergents pour cette raison ». « Le SRAS et le 2019-nCov ne sont pas très différent; les deux ont une origine animale et se transmettent à l’homme lors de manipulation d’animaux infectés. En l’absence de données solides, il est difficile de comparer en détails ces deux virus. Néanmoins, le virus qui circule actuellement dans le monde semble moins dangereux que le SRAS », nous enseigne le Dr Karim Boubaker, médecin cantonal.
Source du virus
Les dernières recherches ont permis de remonter à la source du virus actuel. D’après plusieurs enquêtes, la maladie aurait commencé sa propagation sur un marché aux poissons basé à Wuhan, ville de plus de 11 millions d’habitants située dans la province Hubei. Les activités commerciales de ce marché du centre de la Chine proposaient à la vente des chauves-souris, des serpents et toutes sortes d’animaux sauvages. « Les virus ARN (acide ribonucléique) comme ce coronavirus sont sujet à des mutations qui augmentent leur diversité génétique. Parfois, ces transformations peuvent amener à l’élimination du virus, ou dans d’autres cas à la capacité d’être transmis d’un animal à l’homme. On parle alors de zoonose », nous explique le professeur Greub. La chauve-souris et le pangolin sont deux espèces animales consommées en Asie. Une hypothèse est que le virus présent chez la chauve-souris aurait probablement transité par le pangolin pour infecter l’homme. « La sévérité des maladies causées par les récents coronavirus, SARS-CoV et 2019-nCoV, est liée à l’origine animale de ces virus et à leur introduction récente chez l’homme sans chance de coévolution telle que celle observée avec les coronavirus associés aux maladies bénignes » précise le Dr Roland Sahli. « On parle de virus émergents pour cette raison ».
Culture sanitaire
Si la situation de l’épidémie devait évoluer ces prochaines semaines avec l’apparition de cas de transmission en Suisse, les autorités donneraient à ce moment-là des recommandations d’hygiène adaptées à l’état des connaissances scientifiques du moment. « Actuellement, le virus de la grippe circule largement dans la population, et il est important d’appliquer les consignes d’hygiène de base, comme le lavage des mains, l’utilisation d’un mouchoir lors de toux, etc. », nous informe le médecin cantonal, Karim Boubaker. Les autorités fédérales et cantonales travaillent sans relâche pour que le virus ne franchisse pas les frontières du pays.
Répercussions économiques
Ce nouvel agent infectieux a aussi des répercussions économiques. Hormis le trafic aérien drastiquement réduit à destination de la Chine, la plupart des exportations sont pour le moment suspendues. Ce qui occasionne un manque de matière première pour l’industrie suisse. L’industrie horlogère helvétique est incontestablement impactée par la pénurie de certaines pièces fabriquées en terre chinoise. Toutes les conséquences du coronavirus ne sont pour l’heure pas entièrement connues mais, chaque jour, l’évolution de la maladie interfère sur l’économie suisse et mondiale.
Epidémie informative
Sur place à Wuhan, les journalistes se trouvent en difficultés quant au fait de chercher des informations liées au coronavirus. Le gouvernement chinois restreindrait les accès et les autorisations pour éviter toute propagation du virus. « Les autorités chinoises ont voulu minimiser la couverture médiatique afin d’éviter une crise médiatique », exprimait Michael Peuker dans l’émission Médialogue de la RTS. Pourtant, à l’annonce du nouveau coronavirus en décembre, les médias privés chinois ont bénéficié d’une grande liberté de presse. Le gouvernement ne voulait pas être soupçonné de cacher un quelconque problème, ce qui aura pu engendrer une panique dans tout le pays. Voyant l’affolement actuel dans la province du Hubei, les dirigeants chinois ont rétabli une censure médiatique encore plus élevée qu’à son habitude, nous apprend le correspondant de la RTS. Aujourd’hui, il est devenu quasiment impossible de naviguer sur les réseaux sociaux sans voir une publication sur le coronavirus, on y retrouve toutes sortes de rumeurs ou de fake news sur ce virus. En Suisse, dans le but d’éviter ce phénomène dans les médias, toutes les recherches d’informations et les écrits doivent transiter par un médecin cantonal.
Informations
L’OFSP a ouvert un service téléphonique afin de répondre aux questions de la population. Pour la population : 058 463 00 00 – Pour les voyageurs : 058 464 44 88
