Pavane pour l’amour manqué et Couleur de sable
Suzanne Delacoste – Editions Plaisir de Lire

Monique Misiego |. Sol, jeune femme sortant tout juste du couvent où elle a été éduquée, loge chez les Malléra, à qui son père se trouvant à l’étranger l’a confiée. Afin de conquérir un jeune homme, elle danse sa pavane. Celle-ci est racontée à la première personne, et on suit la narratrice au long de ses rêves, désirs et aspirations. Dans la seconde partie de ce tableau romanesque, Sol vit désormais seule, et on découvre la vie intime d’une femme indépendante dans les années 1950. Les thèmes de prédilection de Suzanne Delacoste transparaissent dans ces deux romans: les difficultés liées à la mutation de la condition des femmes; la façon dont, décidées à échapper aux normes patriarcales et à la domination masculine, ses héroïnes bravent les convenances et suivent leurs désirs sans atteindre pour autant la sérénité ou le bonheur; le décalage entre les aspirations individuelles et une réalité sociale hostile. Son univers fictionnel s’inscrit fortement dans la modernité littéraire des années 1950. Suzanne Delacoste, bien qu’originaire de Monthey, est née à Rio Negro (Brésil) en 1913, où son père travaillait comme ingénieur. Dès 1918, elle poursuit ses études à Monthey au pensionnat Saint-Joseph, et séjourne à Vienne et en Angleterre. Plus tard, elle devient journaliste à Lausanne et collabore à la Nouvelle Revue de Lausanne. Elle a encore collaboré au journal Curieux entre 1940 et 1950, dans lequel elle a écrit de nombreuses nouvelles. Egalement écrivaine, elle rédige des romans et des nouvelles. Femme écrivant sur la destinée des femmes, ses héroïnes luttent dans un monde d’hommes et vont au-delà des convenances pour finir souvent tragiquement, vaincues par le pouvoir masculin. Suzanne Delacoste est morte en 1963 à Lausanne. Ses archives, dont le manuscrit du roman inédit Couleur de sable, 2e partie de ce roman, sont déposées au Centre de recherches sur les lettres romandes à l’Université de Lausanne. Pavane pour l’amour manqué a été publié aux Editions Rencontre en 1954; Couleur de sable paraît aujourd’hui aux Editions Plaisir de lire pour la première fois. A l’heure de la grève féministe, cette femme nous semble encore plus courageuse, tant elles étaient peu nombreuses les femmes de cette époque qui essayaient de vivre libre, d’échapper aux destinées toutes tracées. En découvrant son portrait, j’ai trouvé qu’elle avait un petit air de Frida Kahlo, même si elles revendiquaient toutes les deux une certaine liberté, leur destinée est toutefois bien différente. Suzanne Delacoste était une femme libre, une femme indépendante alors que Frida Kahlo ne pouvait exister sans Diego Rivera. Là est la différence et pour l’époque, Suzanne Delacoste devait passer pour une excentrique.