« Le dernier vice-roi des Indes » – Un amiral dans la tempête
Colette Ramsauer | «Le dernier vice-roi des Indes» de Gurinder Chadha
Indes, 1947. Le Royaume-Uni rend au peuple un pays colonisé depuis 300 ans. Au coeur du sujet, l’amiral Lord Louis Mountbatten et son épouse Edwina, couple incarné par deux géants de la série télévisée: Hugh Bonneville (Downton Abbey) et Gillian Anderson (Hannibal; The Fall). Pour fil conducteur et métaphore à la situation politique, l’histoire d’un amour impossible entre une musulmane et un hindouiste (Huma Qureshi et Manish Dayal), jeunes employés auprès du vice-roi. Des documents d’archives renforcent l’intérêt historique du film.
Malheureuse partition
Dans la perspective de rendre le pays dans un climat de paix à son peuple, l’amiral militaire Lord Louis Mountbatten – héros sur le front birman, face aux Japonais en 1945 – est nommé vice-roi et gouverneur des Indes pour mener à bien la transition. Contrecarré dans ses projets de réunification par des fanatiques religieux, des Britanniques pressés de quitter, et Churchill lui-même, il n’y parviendra pas, malgré l’appui de Gandhi, de Nehru et de la majorité du peuple. Alors que le pays est à feu et à sang, un pays à deux entités – Pakistan occidental et Pakistan oriental (le Bangladesh) séparé par le territoire de la république de l’Inde – est constitué dans la précipitation, solution – toujours à l’avantage des occidentaux – qui ne cessera dans le futur d’envenimer les relations entre les Etats.
Folie princière
La réalisatrice Gurinder Chadha titre son film «Viceroy’s House» (la résidence du vice-roi) car elle situe l’entier de l’intrigue dans la résidence officielle du vice-roi, le Rashtrapati Bhavan, construit à New Delhi entre 1912-29. Il comptait 340 pièces! Une folie princière. Le rez était affecté aux domestiques. La caméra suit le couple et leur fille s’adaptant à leur nouvelle vie. Edwina, femme engagée, s’investit à améliorer les infrastructures sociales – à ce moment 92% d’illettrés – et ne tarde pas à ouvrir les portes du Rashtrapati Bhavan aux plus miséreux.
God save the Queen
Lors de l’exode de plus de 12 millions de personnes à travers le pays, et la mort de près d’un demi-million, une aile de la résidence servait de camp aux réfugiés et d’hôpital. Lors de la partition, tous les biens du palais, jusqu’aux petites cuillères en argent, furent partagés. On voit dans le film la statue de la Reine Victoria quittant les lieux, recouverte du drapeau britannique. (Pour rappel, Lord Louis Mountbatten était l’oncle maternel du prince Philippe, duc d’Edimbourg, époux de la reine Elisabeth II. Il mourra tragiquement le 27 août 1979, assassiné par l’IRA). Le film engagé de Gurinder Chadha, elle-même petite-fille d’une réfugiée au moment des faits, s’inscrit dans la lignée de «La Route des Indes» (1984) de David Lean et «Gandhi» (1982) de Richard Attenborough. Une leçon d’histoire qui n’enlève rien au plaisir du cinéma.
«Le dernier vice-roi des Indes» de Gurinder Chadha UK/IND, 2017, 106’, vo-st, 14 ans avec Hugh Bonneville, Gillian Anderson, Manish Dayal, Huma Qureshi, Michael Gambon, Om Puri. Dans les salles romandes depuis le 5 juillet.