Une confrontation entre les œuvres de Hodler, Monet et Munch
Pierre Jeanneret | Ces trois grands peintres, qu’ont-ils en commun? Ils appartiennent à des univers picturaux différents (impressionnisme pour Monet, symbolisme pour Hodler, expressionnisme pour Munch). Ils ne se sont jamais rencontrés. Ils ont mené leurs recherches esthétiques indépendamment les uns des autres. Alors pourquoi les réunir?
Car le Suisse, le Français et le Norvégien présentent un certain nombre de traits communs. On en signalera trois: ils se sont tous donné pour tâche de représenter la nature, le paysage; ils peignent à une époque de marche vers la modernité, notamment grâce au chemin de fer qui leur offre la possibilité de voyager; enfin ils ont, chacun à sa manière, contribué au renouvellement de l’art européen. L’exposition, qui compte plus de soixante tableaux, adopte une présentation thématique, ce qui permet de mieux comparer les œuvres de ces trois grands créateurs.
Commençons par la montagne. Celle-ci était évidemment plus familière au Bernois Ferdinand Hodler (1853-1918). Recourant au principe des séries chères à Monet, il a peint inlassablement la chaîne du Stock-horn, de l’autre côté du lac de Thoune. Quelle force dans ses tableaux alpins! Hodler rend très bien la solidité du roc, l’univers minéral.
Le second thème est l’eau. Hodler a magnifiquement rendu l’azur du lac Léman peint depuis Chexbres, ou les ruisseaux de montagne se faufilant entre les pierres. Mais le maître de l’eau, c’est incontestablement Claude Monet (1840-1926). Que ce soit l’océan en Normandie ou l’étang de son jardin de Giverny envahi d’algues, Monet a traduit comme aucun autre la fluidité de l’eau, son mouvement perpétuel.
La neige est toujours apparue comme un sujet particulièrement difficile en peinture. Chez Monet, elle brouille le paysage: on le voit par exemple dans son tableau emblématique de la modernité, Le Train dans la neige, la locomotive. Chez Hodler au contraire, la neige représente la pureté des montagnes immaculées. Le Norvégien Edvard Munch (1863-1944), lui, l’a beaucoup côtoyée lors des longs hivers scandinaves. Elle est très présente dans son œuvre, qui par ailleurs est habitée par une ambiance de tristesse, de mélancolie, de solitude.
Et comment représenter le soleil? Lorsqu’il brille de tous ses feux, au milieu du jour, c’est quasi impossible. Hodler et Monet l’ont donc peint de préférence au crépuscule ou à l’aurore, rougeoyant. Telle Impression, soleil levant (1872), l’œuvre célèbre de Monet qui a donné son nom à l’impressionnisme. C’est Munch qui est allé le plus loin: il a osé le montrer de face, en faisant siennes les découvertes scientifiques sur la diffraction de la lumière.
Voilà donc une exposition intéressante par les comparaisons qu’elle permet, et qui offre surtout à notre regard un certain nombre d’authentiques chefs-d’œuvre de la peinture.
«Hodler, Monet, Munch. Peindre l’impossible», Martigny, Fondation Gianadda, jusqu’au 11 juin