Palézieux Blues à l’école
Mathieu Janin | Un cadre de l’établissement scolaire d’Oron-Palézieux s’est fait licencier par la DGEO suite à une plainte de parents d’élèves. Cette décision ne fait pourtant pas l’unanimité. D’autres parents de la même classe réclament sa réhabilitation. Notre éclairage sur une situation difficile qui alimente la chronique médiatique vaudoise depuis la mi-janvier.
Début de la médiatisation de l’affaire
Mercredi 17 janvier, le quotidien «Le Matin» annonce le licenciement pour justes motifs et avec effet immédiat d’une enseignante de l’école enfantine de l’établissement scolaire d’Oron-Palézieux. Son employeur, la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) n’a pas pris l’affaire à la légère. Dans ses colonnes, son directeur général explique que «Elle n’a pas respecté ses obligations professionnelles. La loi scolaire stipule clairement que les maîtres s’abstiennent de tout acte de violence physique ou verbale». Jeudi 18 janvier le quotidien «24Heures» renchérit et précise que «l’enseignante en fin de carrière a été sanctionnée pour une humiliation extrême infligée à un bambin de classe enfantine, devant ses camarades». Pas de coups portés mais une atteinte psychologique telle que ce très jeune enfant, entendu au cours de la brève investigation menée par la DGEO, a pleuré à chaudes larmes en évoquant les faits décrits par d’autres camarades avec une précision telle que le doute n’a pas été permis. Un acte jugé inacceptable et nécessitant une sanction définitive.
Des parents d’élèves et un corps enseignant aux avis divergents
Ce même mercredi, une maman d’élève de la classe concernée contacte la rédaction du Courrier pour y publier une lettre ouverte intitulée «Je veux garder ma maîtresse» et co-signée par trois parents également concernés (voir encadré ci-contre). Ces parents n’acceptent pas la décision prise par la DGEO et demandent par voie de pétition une réévaluation de la situation de la maîtresse licenciée et son rétablissement dans sa classe. Cette action parentale est venue en réaction de celle d’autres parents qui ont dénoncé les actes reprochés à la maîtresse directement auprès de la DGEO.
Pas une enseignante lambda
L’enseignante en question n’est pas n’importe qui. Elle jouit d’une grande expérience, puisqu’elle enseignait depuis 38 ans dans le même établissement scolaire, sans avoir reçu jusqu’alors aucun avertissement. Elle est également considérée par la Municipalité d’Oron comme une experte en planification des transports scolaires puisqu’elle était en charge de cette tâche aussi prenante que difficile depuis des années. Les différents témoignages recueillis nous permettent d’écrire que, parmi les premières personnes présentes à l’école le matin, l’enseignante était également l’une des dernières à quitter l’école le soir, ayant dédié toute sa vie et sa carrière à l’enseignement public. Bien connue de plusieurs générations, elle fait preuve, selon les témoignages recueillis, d’une grande disponibilité et est considérée, du moins auprès des parents qui la soutiennent comme «une maitresse en or, une maîtresse parfaite, qui se rappelait de vous et prenait de vos nouvelles des années après que vous aviez quitté l’école». D’où le malaise ambiant et perceptible depuis l’annonce de cette nouvelle qui polarise les avis recueillis en deux blocs diamétralement opposés.
Malaise général
Dans ce contexte lourd, il est bien difficile de recueillir des informations précises sur ce qui s’est réellement passé pour qu’une enseignante de ce calibre soit licenciée avec effet immédiat. Comment comprendre ce qu’est une «lourde humiliation» sans pouvoir mentionner une explication concrète des faits reprochés? Chacun se retranche derrière le secret. Le directeur de l’établissement concerné est actuellement en arrêt maladie, le parent qui a demandé l’intervention de la DGEO ne peut fournir d’explication, tout comme l’enseignante licenciée qui «se réserve le droit à terme de donner son point de vue mais désire actuellement garder le silence», selon la pétitionnaire interrogée. Nous avons donc mené l’enquête et recoupé plusieurs témoignages pour comprendre ce qui s’est passé. Cela étant fait, il nous est impossible d’affirmer aujourd’hui avec certitude si cette humiliation a été volontairement ou non, consciemment ou non causée par l’enseignante en question, tant les avis recueillis divergent. Les seuls témoins présents étant des enfants âgés de 4 à 6 ans et ce qu’ils ont rapportés, ou pas, à leurs parents respectifs.
A l’heure où nous mettons sous presse, de nouvelles informations apparaissent. Le Courrier y reviendra lors d’une prochaine édition. Affaire à suivre… La rédaction
L’école, la caisse de résonnance des changements sociétaux en cours
MJ | Outre le drame humain vécu par les différents protagonistes concernés, cette situation reflète les attentes différentes d’une société en profonde mutation. Habituée depuis la nuit des temps à vivre dans un environnement campagnard, les habitants de souche sont rejoints par des hordes de nouveaux habitants provenant de régions urbaines et désireux de vivre à la campagne avec des attentes parfois irréalistes en matière de services publics. On veut désormais bénéficier de la même qualité de service à la ville qu’à la campagne, sans pour autant accepter que la plus faible densité de population ne permet pas d’obtenir à la campagne ce à quoi on était habitué à la ville. L’application de la nouvelle loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) nécessite de nombreuses dépenses supplémentaires pour développer de nouveaux lieux d’accueils parascolaires et des transports scolaires adéquats. Mais ces surcoûts ne peuvent se financer sans moyens supplémentaires, bien souvent générés par des augmentations d’impôts, ce qui fait grincer les dents d’une population qui ne s’attendait pas à voir ses dépenses augmenter. Dans ce contexte, l’école est une caisse de résonnance alimentée par les réseaux sociaux exprimant les avis divergents en ligne, et non plus au bistrot du village, comme c’était le cas précédemment. Tous les avis s’affichent désormais publiquement et peuvent être lus des années après puisqu’il n’existe pas de prescription dans le cyberespace. Cela peut faire mal mais on ne peut rien faire contre l’évolution des mœurs et de la société. Le développement personnel prend désormais le pas sur la solidarité. Chacun désire maximiser son plaisir personnel et celui de ses enfants, parfois au détriment de l’autre. En cas de tension avec un professeur, certains parents oublient de contacter directement l’enseignant en question pour tenter de régler le cas en face-à-face et s’adressent directement au sommet de la hiérarchie scolaire cantonale. Est-ce la bonne manière de faire? On peut en douter. L’école est un secteur très émotionnel qui met en scène des adultes et des enfants. La protection de l’enfance face à des adultes surpuissants est l’une des matières les plus complexes à gérer. Ce sera l’un des défis les plus importants à relever ces prochaines années par les communes de notre région. Pour y parvenir, les autorités et les parents d’élèves devront apprendre à collaborer en tirant tous ensemble à la même corde. La place n’est plus à la confrontation mais à la collaboration. Mais il faudra pour y parvenir que chaque protagoniste comprenne cet état de fait pour que cela puisse fonctionner. Aucune place désormais pour un maillon faible ou récalcitrant. Il en va de notre responsabilité commune.
Je veux garder ma maîtresse
CLG, NR et PR* | Nous parents d’élèves de la classe de Mme M.* depuis août 2016, n’acceptons pas la décision prise par la DGEO. Décision prise pour «protéger» nos enfants mais qui a tout l’effet contraire et les déstabilise totalement.
Nous redoutons:
– Des difficultés d’adaptation des enfants dû à un va-et-vient incessant de remplaçantes pas toujours à la hauteur de leurs fonctions. L’année est déjà bien engagée et ce chamboulement n’aide en rien la stabilité de leur enseignement.
– Des méthodes d’apprentissage différentes. Nos enfants ont besoin d’un cadre suivi, Mme M. fait tout pour cela.
– Des difficultés supplémentaires et une perte de repères pour les élèves ayant moins de facilités voire pour ceux ayant un réel problème diagnostiqué: nos enfants ont besoin d’être TOUS en confiance pour réussir et s’épanouir.
– Une démotivation des enfants par rapport aux projets initiés dans cette classe: nos enfants ont besoin de continuité dans les projets engagés avec elle.
Nous souhaitons sa remise en fonction parce que:
– Ses élèves ont entre 4 et 6 ans, et ont besoin de stabilité et achèveront leur année scolaire sereinement.
– Ses élèves garderont leurs méthodes de travail, le suivi important établi par Mme M.
– Ses élèves continueront à travailler en confiance et progresseront avec son aide précieuse et grâce à son implication indéfectible.
– Mme M. et ses élèves pourront ensemble mener à bien tous leurs projets de classe et chacun en tirera des bénéfices, qu’ils soient scolaires ou pédagogiques.
Mesdames, Messieurs,
Vous comprendrez bien que notre souci majeur et le bien-être de nos enfants pour lesquels des facteurs de stabilité et de continuité sont essentiels afin qu’ils réussissent leur scolarité… ce qui est (ou devrait) être l’objectif du DGEO. Alors oui, Mme M. a peut-être eu un geste déplacé, mais remis dans son contexte et vu son ancienneté (38 ans) dans ce même établissement, la sanction n’est-elle pas démesurée… Si une petite poignée de parents peut arriver à vous faire prendre cette décision, nous ne doutons pas qu’une autre poignée de parents peut vous faire réévaluer la situation et donc permettre à nos enfants de retrouver LEUR maîtresse. Si notre cause vous touche, vous pouvez soutenir Mme M. et ses élèves en signant cette pétition en ligne http://ow.ly/dir630hStSe ou en leurs adressant un petit mot à soutien.mireille@gmail.com ou par courrier postal à Soutien Mireille, route de Palézieux 46, 1610 Oron-la-Ville.
*Noms connus de la rédaction