Match
Georges Pop | Que l’on aime le football, qu’on l’abomine ou qu’il nous indiffère, une Coupe du monde reste un évènement de portée planétaire. Outre les quelque trois à quatre milliards de téléspectateurs mobilisés pour l’édition 2018, les pays participants constatent à chaque compétition de ce type une croissance de leur consommation domestique, jugée bienfaisante pour leur économie : achat de téléviseurs, imposantes commandes de bière, de snacks et de barbaque pour les grils ; dopage de la fréquentation des bistrots, sans même parler de l’achat très substantiel de drapeaux et d’articles de sports, à commencer par le maillot aux couleurs de son équipe nationale. Cette année, en Russie, 32 équipes sont présentes et 64 matches ont été inscrits au calendrier de cette 21e édition. Comme le mot football, le mot match nous vient de l’anglais. Mais ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’il a pris chez les anglo-saxons le sens de confrontation sportive. Match est dérivé du vieil anglais maecca qui voulait dire compagnon, mais aussi époux ou épouse ; lui-même dérivé du vieux germanique makô qui signifiait unir et camarade et qui est apparenté respectivement à l’anglais make et à l’allemand machen (faire). Une union, qu’elle soit matrimoniale, amicale ou de compagnonnage, suppose obligatoirement une rencontre. Le mot match a donc pris progressivement le sens de réunion, puis de confrontation sportive, définition assez vite adoptée par le français. En anglais, cependant, le mot conserve encore plusieurs sens comme mariage ou part d’une paire, etc… Quant au verbe to match, il veut notamment dire se correspondre ou, au contraire, s’opposer. La liste n’est de loin pas exhaustive. Ceux qui pratiquent la langue de Shakespeare feront peut-être remarquer que match désigne aussi… une allumette. C’est juste ! Mais c’est là pure homonymie car dans ce cas précis ce terme anglais découle du français mèche ; ce qui prouve bien aux plus pugnaces détracteurs du franglais que l’anglais a puisé lui aussi dans le vaste réservoir de la langue de Molière. Pour en revenir au football (balle au pied), certains diront qu’il est vraiment né en octobre 1848 lorsque plusieurs établissements scolaires de Cambridge parvinrent à un accord pour en unifier les règles. Il fallut cependant attendre 1863 pour assister à la création de la Fédération anglaise de football, aïeule de toutes celles qui existent de nos jours. Quant au jeu de balle, il existe depuis la nuit des temps. Pour quelques historiens c’est un jeu pratiqué par les anciens Grecs appelé épiskiros (επίσκυρος) qui serait l’ancêtre le plus direct du football, du handball et peut-être aussi du volleyball. La partie était disputée entre deux équipes de 12 à 14 joueurs qui devaient maîtriser le ballon tant avec les pieds que les mains et le faire passer vers le camp adversaire sur un terrain délimité par des pierres noires et divisé en deux surfaces égales par une ligne blanche. Selon leur habitude, les athlètes grecs jouaient nus. Nu en grec – ancien ou moderne – se dit γυμνός (gymnos). Ce mot, en français nous a notamment donné gymnastique, gymnaste et gymnase. Mais ça, c’est une autre histoire …