La petite histoire des mots
Porno
Lors de la dernière en date audience de son procès, la semaine dernière devant la Cour criminelle de New-York, Donald Trump a subi une rare humiliation avec le témoignage de l’ex-star du X Stormy Daniels qui a longuement décrit par le menu la relation sexuelle qu’elle avait eu avec lui. L’ancien président est poursuivi pour avoir dissimulé les versements consentis à cette ancienne actrice du cinéma porno dans le but d’acheter son silence.
Le mot « porno », qu’il soit adjectif ou substantif, est un apocope (un abrègement) de « pornographie », terme qui désigne la représentation de l’acte sexuel. Dans son acceptation actuelle, il intègre aussi la notion d’obscénité. Il est issu de deux mots grecs : « pornê » qui signifie « prostituée » et « graphos » qui veut dire écrire ou peindre. A l’origine, dans la langue hellénique « pornographos » désignait l’action de peindre ou de décrire des prostituées.
Il faut noter que les Grecs anciens faisaient une distinction entre les prostituées (pornê) et les hétaïres (hetaíra), femmes cultivées et d’un rang social plus élevé, que nous pourrions apparenter à une courtisane ou une « escort-girl » moderne. Les hétaïres avaient un nombre restreint d’amants. Leurs conversations étaient appréciées de certains philosophes qui les fréquentaient. Elles pouvaient même exercer une certaine influence sur leurs amants, ceux qui occupaient des places dirigeantes, par exemple. Le terme « pornocratie » désigne d’ailleurs un gouvernement soumis à l’influence de ces courtisanes.
En français le mot « pornographie » apparait semble-t-il au siècle des Lumières, avec l’expansion de la littérature libertine du XVIIIe siècle, d’auteurs tels que Diderot (Les Bijoux indiscrets) ou Fougeret de Monbron (Margot la ravaudeuse), etc. Les œuvres du marquis de Sade constituèrent l’aboutissement le plus extrême de cette littérature. Vers le second milieu du XXe siècle, le terme fut associé à la propagation des films X et prit alors une connotation clairement péjorative et licencieuse.
Comment distinguer la pornographie de l’érotisme ? Ce n’est pas toujours facile dans la mesure où cela peut aussi dépendre de la subjectivité de chacun. Mais selon la philosophe italienne Michela Marzano « Là où l’érotisme est un récit – en images ou en mots – du désir qui pousse un être à la rencontre de l’autre, la pornographie ne vise jamais à raconter une histoire. Elle représente des individus qui ne se reconnaissent pas comme sujets de leur désir ».
Plus sévère, l’historien et journaliste français Robert Escarpit estimait que « L’érotisme est une simple pornographie de classe ». Nous donnerons ici le mot de la fin à l’homme de lettres et dialoguiste de cinéma Yvan Audouard, selon qui « L’érotisme c’est quand on le fait, le porno, c’est quand on le regarde ».