La Chair Rosa Montero – Editions Métailié
Milka | Soledad, le personnage principal, est une femme de 60 ans, qui vit seule. Comme si son prénom l’y avait prédisposée puisqu’il veut dire «solitude». Elle a une sœur jumelle qui, elle, s’appelle Dolores (douleurs) et qui a sombré dans la folie.
Abandonnées par leur père et détestées par leur mère, elles vont très vite apprendre à ne compter que sur elles-mêmes. Soledad va mieux s’en sortir que sa sœur jumelle puisqu’elle va entreprendre des études et organiser des expositions pour la Bibliothèque nationale. Celle dont elle s’occupe actuellement va d’ailleurs mettre en lumière des auteurs maudits.
Elle a donc 60 ans, pas de mari, pas d’enfants, et vient d’être plaquée par Mario qui est retourné auprès de sa femme qui attend d’ailleurs un heureux évènement. Pour ne pas perdre la face lors d’un opéra où elle sait qu’elle va le croiser, elle se met dans la tête d’engager un gigolo. Sauf qu’elle n’avait pas prévu de s’attacher à ce gigolo de 30 ans, russe, beau comme un dieu, et un évènement dramatique va d’ailleurs les rapprocher plus vite que prévu. S’ensuit une relation trouble, parfois elle le paye pour sa compagnie, parfois il lui fait cadeau de sa prestation, elle ne sait plus vraiment où elle en est, et nous non plus. Il est dans une situation précaire, elle ne veut pas l’aider mais va finir par accepter de le sortir d’une galère dans laquelle il s’est mis.
Elle est d’une jalousie maladive, le surveille, lui fait des scènes. Comme toute femme de 60 ans, elle doute de son charme, voit le temps qui passe sur son corps. Mais aussi dans sa vie. Tout lui échappe, son jeune amant, son exposition convoitée par une rivale, on la sent fragile, à la limite de basculer comme sa sœur.
C’est un livre sur le temps qui passe et sur les marques qu’il laisse sur les corps, mais aussi sur la place des femmes de cet âge dans la société. J’ai beaucoup aimé aussi ce mélange dans la narration entre cette histoire actuelle et la comparaison faite avec ces auteurs maudits dont elle va parler dans son exposition. C’est astucieux et toujours mis en parallèle avec les sentiments qui la traversent. Comme si elle marchait sur un fil avec d’un côté sa vie, bien rangée, et de l’autre cette folie où tant d’auteurs sont déjà tombés et où elle pourrait tout à fait basculer.
Elle amène aussi son identité de journaliste à un moment donné quand elle rencontre Soledad en tant que Rosa Montero. C’est déconcertant mais finement amené. En clair, je vous le conseille. C’est une traduction, mais une très bonne traduction.