Fenêtre ouverte sur…
L’homme, le métier et la famille
Gérard Bourquenoud | Il arrive parfois que l’esprit se manifeste sur quelque chose d’inattendu, une idée ou un événement à traiter par un article dans le journal. J’ai lu récemment dans un quotidien romand, la réflexion d’une jeune femme qui mérite un peu plus que de l’attention. « Mon mari est extrêmement nerveux. Je pense que sa profession est la cause de cette nervosité, car il doit trop souvent travailler le soir et rencontrer des gens qui ne sont pas libres la journée. De ce fait, il n’est jamais rentré au foyer. Lorsqu’il lui arrive d’être là pour les repas avec les enfants, il hurle pour la moindre faute, il se lève, frappe du poing, en un mot: l’enfer. Cette atmosphère de tension rend notre vie de famille insupportable. » Ce mari, hélas ! n’est pas le seul de son espèce. Ni cette famille dont la vie est troublée par un métier exigeant, difficile, où les nerfs sont mis constamment à rude épreuve. Dans la société d’aujourd’hui, trop souvent des gens calmes et satisfaits de leur sort, se doivent de travailler avec des irascibles qui ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent, mais aussi ceux dont on attend la décision qui ne vient jamais. En plus de cela, il y a le patron qui n’est pas toujours compréhensif. Et puis des centaines d’obligations d’une existence dont le rythme est devenu un défi à la santé physique et morale. Comment s’étonner dès lors que la famille en souffre ? La femme elle-même s’épuise dans cette atmosphère de heurts et d’irritation, et les enfants subissent les fâcheuses conséquences. Un grave problème que l’on devrait, semble-t-il, bientôt aborder dans les cours de formation professionnelle, précise un éducateur, car s’il est important qu’un vendeur de voitures, agent de sécurité, conseiller en assurances ou en publicité soient en mesure de faire face à toutes les circonstances et possèdent les qualités nécessaires à un bon rendement, il est primordial aussi qu’ils soient heureux et que leur famille vive dans une ambiance détendue. L’un n’empêche pas l’autre, si l’on sait s’y prendre. L’homme qui rentre chez lui après une journée de travail ne doit pas oublier qu’il est attendu par sa femme et ses enfants. Celle dont je viens de lire l’inquiétante et suppliante demande de conseil, nous paraît écouter son désarroi plus que sa raison. Un psychologue pense que ce qu’elle reproche à son mari n’est qu’un excès d’activité qui est en soit fort louable, mais qui présente une certaine dangerosité. Sachant que c’est le métier de l’homme qu’elle a choisi, elle devrait prendre sur elle – ce que d’autres femmes dans son cas font déjà au quotidien – d’organiser intelligemment le silence et la paix pendant les repas: minimiser tout ce qui se dit, veiller à ce que tout soit net et confortable et apporter sa part à la quiétude familiale. Là encore, certains diront que ce n’est pas facile. C’est vrai. Mais en réfléchissant bien, elles verront peut-être que ce qui paraît impossible à première vue ne l’est souvent parce que nous le croyons tel et que la paix d’un ménage vaut bien un peu de réflexion, de volonté et de tendresse.