Dictateur
Georges Pop | Depuis plusieurs mois et l’échec du coup d’Etat qui le visait, le surexcité et manifestement narcissique président turc, Recep Tayiip Erdogan, n’en finit pas de faire parler de lui: il purge son opposition, étouffe la presse, espionne ses contradicteurs à l’étranger, jusqu’en Suisse, invective parmi d’autres l’Allemagne et les Pays-Bas, pays qui exhalent selon lui comme une odeur de nazisme, menace l’Europe d’une inondation de migrants et multiplie les provocations en mer Egée. Une hargne propre, paraît-il, à mobiliser son électorat le plus chauvin appelé à lui accorder par voie référendaire des pouvoirs dignes d’un sultan, d’un potentat, voire, selon nombre d’observateurs, d’un dictateur. Vous avez dit dictateur? Voilà un mot qui suinte de nos jours le culte de la personnalité, la répression, la censure et l’oppression. Mais ce ne fut pas toujours le cas! Contrairement au mot grec tyran qui dans l’antiquité désignait déjà un despote, souvent cruel, doté d’un pouvoir absolu, le dictateur, du latin dictator, était chez les Romains, au temps de la République un vertueux magistrat investi des pleins pouvoirs (imperieum) et désigné pour six mois par le Sénat pour faire face à une menace intérieure ou extérieure. L’histoire en recense des dizaines, tels Sylla ou César, et presque tous se dessaisirent sans rechigner de cette charge une fois le danger passé. Ce n’est que tardivement, sous la Révolution française (1789-1799) que dictateur devint synonyme de despote, acception qu’on lui connaît encore de nos jours. Et puisqu’il est question d’Histoire, dans cette chronique, on relèvera que nombre de dictateurs contemporains n’ont eu aucun scrupule à la réécrire à leur sauce, à l’instar de Staline ou Hitler. Exercice auquel l’homme fort d’Ankara s’est un peu essayé lui-aussi: à plusieurs reprises il a claironné urbi et orbi que l’Amérique avait été découverte en 1178 (?) par d’anonymes mais intrépides navigateurs musulmans. Ah bon? Nous qui pensions que c’était Guillaume Tell …