De Montet à Abu Dhabi, le chemin de l’or
Voilà ! elle s’appelle Charlotte Bessaoud. Le samedi 22 novembre, elle a atterri sereinement à Genève-Cointrin. Sa particularité ? Le portique a sonné quand elle est passée avec sa valise ! C’est un fait, toutes les conditions étaient réunies pour que le sol romand et suisse l’accueille en musique.

Sonia Biétry | Charlotte, tu rentres du championnat mondial jeunesse de jiu-jitsu brésilien d’Abu Dhabi avec une magnifique médaille en or autour du cou. Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’investir corps et âme dans le jiu-jitsu brésilien, alors qu’à 17 ans, tout le monde pense encore à s’amuser avec ses amis ?
Je fais du sport depuis toute petite, dès l’âge de 5-6 ans environ. Pour moi c’est juste une question de discipline. Ça fait maintenant un peu plus d’un an que je m’entraîne en mode pro et j’adore ça.
S’entraîner deux fois par jour, six jours sur sept, c’est beaucoup plus qu’un simple boulot. Il t’arrive d’avoir des moments de doute ou de fatigue ? Comment tu rebondis ?
Oui, ça fatigue un peu. Mais avec de la discipline et l’encouragement de toute ma famille, des coaches et des amis, je continue les entraînements journaliers et je m’améliore. C’est motivant tout ça. Gagner des médailles tout au long de l’année et finir championne du monde à Abu Dhabi, gagner cette médaille en or c’était juste : « WOW ». Ça évite le doute de trop s’approcher !
Choisir une carrière sportive à 17 ans, ça crée un vrai décalage avec les jeunes de ton âge. Comment tu vis ça : tu ressens parfois une différence, ou c’est au contraire ta force ?
Je ne vois pas de différence. Mes autres amis ont choisi un métier qui leur plaît et moi j’ai choisi le sport qui me plait. Ma volonté c’est le sport. C’est mon choix.

Avant de tomber amoureuse du jiu-jitsu brésilien, tu as testé d’autres sports ou c’est ton premier coup de foudre sportif ?
J’ai fait du judo, du foot au team AFF puis du taekwondo au sein de l’équipe suisse et du jiu-jitsu pour ma condition physique. Au taekwondo, les conditions d’entraînement en Suisse romande ne permettaient pas d’atteindre le plus haut niveau international. J’ai donc décidé de me concentrer uniquement sur le jiu-jitsu brésilien. J’ai trouvé ma voie et ma sérénité dans ce sport.
En regardant derrière toi, après ces presque deux ans d’entraînement intense, qu’est-ce que ce chemin t’a appris que l’école obligatoire ne t’aurait jamais permis de mettre en avant ?
La liberté ! Maintenant je peux mieux gérer mon temps et mes besoins. C’est plus souple au Dojo et surtout je peux être focus sur des matières que j’aime.
Est-ce qu’il y a d’autres personnes qui t’ont marquée, qui t’ont accompagnée, inspirée ou motivée tout au long de ce parcours ?
J’adore suivre sur Instagram Sarah Galvão et Gabrielli Pessanha : deux femmes sportives pro de jiu-jitsu, qui m’inspirent pour mes préparations aux compétitions. Juliano Garcia entraîneur au SBA (dojo Vevey) et toutes les ceintures noires qui y viennent donner des stages m’ont beaucoup apporté et aidé à développer mon niveau actuel. J’admire aussi Bruno Moreno qui, lui, est entraîneur au Brésil et supervise les équipes Kimura en Europe.
Avant de décrocher cette médaille d’or, tu as vécu des défaites ou des échecs dont tu tires une grande leçon ?
J’ai perdu deux combats en 2025, dont un contre une fille, qui était très douée. Cet échec m’a invité à me perfectionner, j’ai pu prendre conscience de mes points perfectibles. Depuis, je me suis entraînée avec beaucoup de volonté et je me suis améliorée. Peut-être que l’année prochaine j’aurai la possibilité de refaire un combat contre elle. Je me réjouis de ce futur défi !
Si tu avais un conseil à donner à un adulte : comment mieux soutenir un-e jeune passionné-e de sport, comme on le ferait pour la formation ou l’apprentissage d’un métier ?
De le suivre tout le long de son chemin, sans trop de pression : accompagner ses victoires et ses défaites, en ayant une bonne relation. Discuter, au fur et à mesure, partager les conseils et être un exemple positif. L’aider à croire en soi chaque jour.
Tu viens d’être sacrée championne du monde jeunesse catégorie 82 kg. Maintenant, quelle est ta prochaine étape : un nouvel objectif ou un rêve plus fou à atteindre ?
En décembre 2025 je participe au championnat suisse de Jiu-Jitsu en catégorie -18 ans et Elite. Puis l’année prochaine je combattrait en catégorie Adulte. C’est une grosse étape, mais je souhaite continuer sur ma lancée. J’irai au championnat européen IBJJF à Lisbonne en janvier 2026. Mon rêve dans quelques années serait d’avoir la couronne mondiale de l’IBJJF (International Brazilian Jiu-Jitsu Federation).
Que réponds-tu aux personnes qui pensent encore que les sports de combat, ce n’est pas « pour les filles » ? Quel message aimerais-tu leur faire passer pour casser ces stéréotypes et montrer les forces féminines sur les tatamis ?
Je leur dirais de venir essayer de combattre une fille déjà gradée, qui maîtrise. Je pense que ça va sûrement les calmer et les faire réfléchir : « On ne juge pas un livre à sa couverture ».
Dans dix ans, si tu es toujours sur les tatamis, comment aimerais-tu que les spectateurs te décrivent ? Est-ce qu’il y a une trace particulière que tu aimerais laisser dans l’histoire de ce sport ?
J’aimerais qu’on me voie comme celle qui ne lâche jamais. Que ma persévérance se remarque dans ma carrière. Voir que je fais tout pour être une pro. Je souhaiterais aussi qu’on se rappelle de moi comme une sportive très technique, puissante et qui agit vite.
Si tu pouvais remonter le temps et envoyer un message vocal à la « petite Charlotte » de 9 ans juste avant son tout premier entraînement, qu’est-ce que tu lui dirais exactement ?
Je lui dirais tout simplement : « Ne lâche rien, continue à croire en tes rêves, Dieu à un chemin pour toi ».



