Voir grandir un arbre
Curieuse idée. Lorsqu’on plante une graine ou un arbrisseau en terre, cette chose paraît si fragile dans nos mains que l’on redoute de la faire chuter tant sa faiblesse est évidente, pourtant…
Petit arbre deviendra grand dit-on, mais pour nous qui vivons dans une impatience patente cela fait bien trop d’inaction à affronter. Jour après jour, nous nous acharnerons à guetter la moindre évolution… Rien n’y fera, pas l’ombre d’un centimètre de gagné et pas la moindre place à l’abri pour le lilliputien ! Le printemps nous donnera la satisfaction de sa floraison et de son tendre feuillage ; maigre consolation pour qui vient de planter un arbre et qui contemple un buisson famélique…
Le temps, le rythme de la vie… Einstein dans son train jetant sa pomme en l’air et la regardant monter et descendre dans un ennui infini. Une vache regardant passer ce train – et cette pomme – comme un boulet de canon… Un monde à deux vitesses dans lequel nous n’avons le choix que d’être dans le train ou dans le champ. Et le bonheur dans tout cela ?
Bien des années plus tard, qui n’est jamais repassé par les endroits de sa vie en tentant de se remémorer quelque jeu ou quelque rencontre, un événement inoubliable ou une simple peccadille ? Une école, une maison, un quartier ou un bosquet sur lequel on appose délicatement le calque de ses souvenirs, essayant de faire coïncider millimétriquement et avec patience le passé et le présent. Le regard a changé, les lieux aussi. Nous reconnaissons bien quelques vieilles pierres sur lesquelles nous nous asseyions, cette vieille inscription faite à l’opinel, rien de bien vivant somme toute…
L’arbre, cet Arbre ! Cet arbrisseau devenu chêne réveille bien un souvenir. Familier et pourtant méconnaissable, mais bien vivant. Petite trace d’il y a bien longtemps… Tiens ! je m’en vais aller goûter son ombre et y faire une sieste.